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cle. Ils les montoient à cru, & jugeoient l'ufage des felles fi mou, fi lâche, fi honteux, qu'ils méprifoient fouverainement les cavaliers qui s'en fervoient, & ne craignoient point de les attaquer, quelque fupérieurs en nombre qu'ils les trouvaffent. Dans les combats, ils mettoient fouvent pied à terre, s'éloignant de leurs chevaux, qu'ils avoient habitués à demeurer en place, & venant les rejoindre lorfque le befoin le demandoit. Cette manière de fe battre n'étoit pas fçavante. En général l'infanterie faifoit la principale force de leurs armées. C'est pourquoi, ils mêloient des gens de pied parmi leur cavalerie; pratique mentionnée & louée par Céfar.

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En allant au combat, les Germains échauffoient leur courage par des chanfons, qui contenoient les éloges de leurs anciens héros, & des exhortations à les imiter. Ce chant étoit en même tems pour eux un présage du fuccès de la bataille. Car, felon la grandeur & la nature du fon qui réfultoit du mêlange de leurs voix, ils concevoient des craintes, ou d'heureuses espérances. On croira aisément qu'ils n'y mettoient pas beaucoup d'harmonie. Un fon rude, un murmure rauque, groffi encore & enflé par la répercuffion de leurs

boucliers, qu'ils plaçoient à ce deffein devant leurs bouches, voilà ce qui charmoit leurs oreilles, & leur annonçoit la victoire.

11.0

Façon de fe battre des Germains.

Quelque braves que fuffent les Germains, ils ne fe piquoient point de garder leurs rangs, ni de fe tenir fermes dans leurs poftes. Reculer, pourvu qu'ils revinffent à la charge, ce n'étoit pas chez eux une honte mais un acte d'intelligence & d'habileté. Il ne falloit pourtant pas laiffer fon bouclier au pouvoir de l'ennemi; c'étoit pour eux, auffi bien que parmi toutes les nations anciennes, la plus grande des infamies. Ceux, à qui il étoit arrivé un pareil déshonneur, ne pouvoient plus être admis, ni aux cérémonies de religion, ni à aucune affemblée, & plufieurs en ce cas ont mis fin à leur ignominie par une mort volontai

re.

Tels étoient les Germains en tout ce qui regardoit la guer re, & c'eft par cet endroit que

nous avons commencé leur ta

bleau, parce que la guerre étoit leur paffion, leur état, & le trait le plus marqué de leur caractère.

12.0

Dieux des Germains. Ils ne bâtiffoient point de temples.

La religion des Germains étoit bien groffière & bien in

forme. Ils n'en avoient même prefque aucune, felon Céfar, & ils ne connoiffoient d'autres dieux que ceux qu'ils voyoient, le Soleil, le feu, la Lune, fans leur offrir des facrifices, fans prêtres qui leur fuffent confacrés. Il paroît que Céfar n'étoit pas exactement informé fur ce point; & ce qui l'a peutêtre induit en erreur, c'est que réellement les Germains n'avoient point de temples, Perfuadés, comme les Perfes, que c'eft avilir la majesté divine que de la renfermer dans l'enceinte d'un édifice & fous un roit, ou de lui donner une figure humaine, ils exerçoient leurs cérémonies de religion dans le plus épais de leurs forêts. Le filence & l'ombre des bois leur formoient des fanctuaires, qui les pénétroient d'une religieufe frayeur, & où leur refpect étoit d'autant plus grand, que leurs yeux n'étoient frappés d'aucun objet visible.

Mais, outre les divinités nommées par Céfar, & qui font des êtres fubfiftans dans la nature, les Germains, au rapport de Tacite, adoroient encore de prétendus Dieux qu'ils ne voyoient pas, tels que Mercure & Mars, & des héros divinifés, comme Hercule. Ifis même, déeffe Egyptienne, étoit honorée par les Sueves, fans qu'on puiffe affigner comment ce culte étranger s'étoit étendu fi loin de fon païs natal. Seulement il paroiffoit qu'il leur étoit venu de dehors, par

la forme de vaiffeau qu'ils donnoient à la représentation de cette divinité.

Mercure étoit le plus grand de leurs dieux, & ils lui immoloient en certains jours des victimes humaines. Ils n'offroient à Mars & à Hercule que le fang des animaux. Ce dernier étoit chez eux ainsi que chez les Grecs & les Romains, le dieu de la bravoure; & lorsqu'ils alloient au combat ils chantoient fes louanges comme du plus vaillant de tous les héros.

13.0

Différens genres de divination chez les Germains.

Leurs Aufpices.

Il n'y avoit point de nation plus prévenue en faveur du fort & des augures, que les Germains. Leur manière de confulter le fort étoit très-fimple. On coupoit en plufieurs morceaux une baguette d'arbre fruitier; après les avoir diftingués par certaines marques, on les jettoit pêle-mêle fur une étoffe blanche. Alors, le Prêtre de la cité, s'il s'agiffoit d'affaires publiques, le pere de famille, s'il étoit question d'intérêts particuliers, ayant fait une priere aux dieux, & regardant le ciel, levoit trois fois chaque morceau l'un après l'autre; & fuivant l'ordre où s'étoient préfentées les différentes marques, il en donnoit explication. Quand elle n'étoit

pas favorable, de tout le jour on n'interrogeoit plus le fort touchant la même affaire. Si la réponse étoit conforme à leurs. défirs, pour plus grande fûreté, ils vouloient qu'elle fût confirmée par les aufpices. Ils étoient, comme les anciens Romains, dans l'ufage de confulter le chant, le cri, le vol des oifeaux.

Mais, ils avoient une espèce de divination qui leur étoit propre, & qu'ils tiroient de leurs chevaux. On faifoit paître dans les bois facrés, & on nourriffoit aux dépens du public, des chevaux blancs, que l'on n'affujettiffoit à aucun travail qui eût pour objet le service des hommes. Lorsqu'il s'agiffoit de confulter par eux les ordres de la divinité, on les atteloit à un char facré; & dans leur marche, le Prêtre avec le Roi, ou chef du canton, les accompagnoit & obfervoit les frémiffemens & les henniffemens de ces animaux, comme autant de fignes des volontés du ciel. C'étoit-là de tous les aufpices le plus respecté, le plus autorifé par la crédulité du peuple & des grands. Les Prêtres ne fe donnoient que pour les miniftres des dieux; au lieu les chevaux paffoient pour ent être les confidens & admis à leurs fecrets. On feroit étonné d'une fuperftition auffi abfurde & auffi honteuse pour l'humanité, fi les nations les plus policées ne fourniffoient un grand nombre de pareils exemples.

que

Les Germains pratiquoient une autre manière de deviner l'évènement des guerres importantes. Ils tâchoient de faire quelque prifonnier fur l'ennemi, & ils l'obligeoient enfuite de combattre contre quelqu'un des leurs, armés l'un & l'autre à la mode du païs de chacun. Le fuccès du combat fingulier étoit regardé comme un préfage du fort général de la guerre. C'eft vraisemblablement à cette idée, pareillement accréditée chez les Gaulois, que l'on doit attribuer les combats dans lefquels T. Manlius & M. Valérius fe fignalerent, & acquirent l'un le furnom de Torquatus, l'autre celui de Corvus,

14.°
Prétendues prophèteffes des
Germains.

Le dernier trait que fournit Tacite de la fuperftition des Germains, c'est l'opinion où ils étoient, que les femmes avoient quelque chofe de facré, de divin, de propre à les rendre les interprêtes des dieux. Toujours quelque prétendue prophéteffe avoit leur confiance, & fi par un heureux hazard

l'évènement se trouvoit confor

me à fes réponses, ils paffoient jufqu'à l'honorer comme déeffe; & cela, par persuasion, & non à la façon des Romains, qui rendoient les honneurs divins à leurs Empereurs, pendant qu'ils les fçavoient très bien de purs hommes, & fouvent les plus méchans des hommes.

&

Tacite nous en fait connoître une particulièrement, qui avoit fait ce manege de fon tems même, & dans les guerres de Civilis contre les Romains. Elle fe nommoit Véléda, & étoit vierge, & fouveraine d'un grand païs parmi les Bructères. Elle jouoit habilement fon perfonnage, habitant une haute tour, ne fe laiffant pas facilement aborder, afin de fe rendre plus refpectable. Les confultans ne lui préfentoient pas eux-mêmes leurs requêtes. C'étoit un de fes parens, qui fervoit d'entremetteur, recevant les demandes de ceux qui étoient curieux d'apprendre l'avenir, & leur rendant la réponse de la Prophéteffe.

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nobles, & des Généraux entre les plus vaillans; ce que nous pouvons ainfi expliquer & fuppléer par Céfar. Un peuple compofé de plufieurs cantons, n'avoit point de chef commun en tems de paix. Les cantons différens étoient régis par leurs Magiftrats, qui font probablement ceux que Tacite appelle Rois. En ils fe concerguerre, toient & fe donnoient un Général pour commander toutes leurs forces réunies.

Nous avons vu que l'autori

té de ces Généraux étoit bien reftreinte dans les armées. Celle des Rois ou premiers Magiftrats ne l'étoit pas moins dans l'ordre civil. Tout cédoit à la pluralité des fuffrages. Un confeil, compofé des principaux citoyens, régloit les affaires de moindre conféquence; celles qui paffoient pour graves, étoient portées à l'affemblée de tout le peuple.

17.o

Affemblées des Germains, où fe décidoient les grandes affaires.

Les affemblées. générales étoient fixées, & à moins qu'il ne furvînt quelque befoin fubit & imprévu, elles se tenoient aux nouvelles & pleines Lunes, que la fuperftition faifoit regarder comme les tems les plus heureux. C'étoit peut-être par une fuite de cette vénération pour la Lune, que les Germains, auffi bien que les Gaulois comptoient par nuits & non par jours, comme si la nuit eût

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été la principale partie de la révolution des vingt-quatre heures. Peut-être auffi cet ufage, pratiqué encore par d'autres nations, & fpécialement par les Hébreux, avoit-il une fource plus refpectable, & procédoit-il originairement de l'ordre même de la création, fuivant lequel, ainfi que nous l'apprenons de l'Écriture Sainte, la nuit à précédé le jour ?

L'affemblée étoit long-tems à fe former. Ennemis de toute contrainte, & peut-être lents par caractère, les Germains ne fçavoient ce que c'étoit que de fe trouver exactement au rendez-vous. Il fe paffoit des deux & trois jours à attendre les traîneurs. Lorfque la multitude fe jugeoit elle-même affez nombreuse, tous prenoient place, armés felon leur coûtume; & les Prêtres, qui jouiffoient encore ici de la puiffance coactive, faifoient faire filence. Alors, le Roi ou chef du canton, ou bien quelqu'un de ceux que fignaloient fa naiffance, fon âge, fa bravoure, fon éloquence, prenoit la parole, non pour donner la loi, mais pour infpirer le confeil qu'il jugeoit le meilleur. Si fon avis ne plaifoit pas, l'affemblée le réjettoit par un murmure d'improbation. S'il étoit goûté, tous agitoient & remuoient leurs javelines. Applaudir avec les armes, c'étoit chez cette nation guerrière la façon la plus flatteufe de témoigner la fatisfaction qu'elle avoit de l'orateur.

Il appartenoit à ces mêmes affemblées générales de nommer les chefs destinés à rendre la justice dans chaque canton & dans les villages qui en dépendoient. Chacun de ces chefs avoit cent affeffeurs, choifis parmi le peuple. Ils formoient le confeil & jugeoient conjointement avec le chef.

18.o

Jugemens & peines des crimes.

A ce tribunal fuprême se jugeoient auffi les affaires criminelles. Selon la nature des crimes, les peines étoient différentes. Ils pendoient à des arbres les traîtres à la patrie & les déferteurs. Les lâches, & ceux qui avoient fui dans les combats, ceux qui s'étoient déshonorés par l'impudicité, étoient noyés fous la claie dans des mares bourbeufes. Les Germains vouloient faire éclater la vengeance des forfaits; les actions honteufes leur paroiffoient dignes d'être enfevelies fous les

eaux.

Les crimes, qui n'attaquoient que les particuliers, n'étoient pas traités à beaucoup près avec tant de rigueur. Le coupable, même dans le cas de meurtre, en étoit quitte pour un certain nombre de chevaux ou de beftiaux, qui varioit felon la grandeur de l'offense, & qui fe partageoit entre le Roi & la cité d'une part, & de l'autre, l'offenfé, ou ceux qui pourfuivoient la vengeance de fa mort. Cette exceffive indulgen

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