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Il ne fait pas simplement des hommes d'affaires ou des citoyens, il collabore à diviniser les hommes. Mais son œuvre même, qui est principalement l'œuvre de Dieu, le surpasse. Il est plus grand de ressembler à Dieu par la possession de sa grâce et de le posséder lui-même en soi, que d'apporter aux autres les moyens de les posséder.

Sait-on pourquoi l'Église du Christ n'est pas un groupe de partis? Pourquoi elle n'est pas un clan où des chefs ennemis se disputent le pouvoir de donner des mots d'ordre à leurs bandes fidèles ? Pourquoi, les essais de partis ou d'écoles, au sens humain et politique, ont toujours mal fini dans l'Église ? C'est à cause de cette franche subordination du gouvernement tout entier, au bien majeur et intime des âmes. On l'oubliait dans la jeune communauté chrétienne de Corinthe. « Moi, je suis de Paul, « moi d'Apollo, et moi de Céphas, et moi du Christ. »

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«Que personne ne mette sa gloire à suivre un homme »>,

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et

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réplique saint Paul, «< car, tout est vôtre, et Paul, et Apollo, <«<et Céphas; et le monde, et la vie et la mort; et le présent et « l'avenir. Tout est vôtre, et vous êtes au Christ, et le Christ est « à Dieu (1). »

Cette subordination d'un pouvoir qui commande et qui se fait obéir, cette supériorité de la grâce intérieure, en soi, dans son action, comme but, nous semolent manifester l'un des plus saisissants aspects de la catholicité surnaturelle de l'Église. Par cette conception originale et harmonique de l'autorité, pleinement puissante sur les âmes et pleinement respectueuse de Dieu en les âmes, l'Église se montre vraiment apte à s'étendre dans l'universalité des races et des civilisations qui se partagent le genre

humain.

L'Église respecte la vocation divine particulière à chaque âme, et les inspirations de pensée ou d'action qui en sortent. Elle ne tombe donc pas dans le formalisme légal de l'ancienne religion romaine ou du pharisaïsme judaïque. Le culte et la morale ainsi entendus pouvaient convenir à des individus fortement dominés par la tradition, la coutume, l'autorité extérieure, l'opinion

(1) I. Cor., II, 12; II, 21, 22, 23.

publique de la Gens, de la Tribu, de la Cité. Des hommes plus formés à chercher au dedans de leur conscience personnelle, les règles de leur conduite et l'inspiration de leur culte envers Dieu, n'eussent jamais admis un christianisme ainsi conçu. Si l'Église, selon la pensée des judaïsants de Jérusalem et des colonies juives du monde gréco-romain, s'était bornée à continuer le régime aggravé des vieilles observances légales, en y ajoutant la foi du Christ, on y eût vite oublié les droits de toute âme en état de grâce, à suivre les impulsions intimes de l'Esprit de Dieu vivant en elle. Les gouvernants institués par les apôtres mêmes, pour régir le troupeau du Christ, eussent oublié leur devoir de mener à bien cette inspiration : ils l'eussent étouffée, ils l'eussent amoindrie par l'étroitesse de leurs vues ou de leurs formules. Ce danger n'est pas hypothétique : saint Paul passa toute sa vie d'apôtre à le combattre par la doctrine et par l'action. Et si l'œuvre de saint Paul eût échoué, l'Église eût-elle pu faire ensuite des prosélytes dans les races humaines, plus faites à l'indépendance personnelle, plus aptes à la vie intérieure, qui, inspirées par le christianisme, ont donné son caractère le plus viril à notre civilisation d'Occident? Mais l'œuvre de Paul ne pouvait échouer : elle

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était l'œuvre de Dieu.

En revanche, si, dans cette réaction contre la servilité de la lettre et le pharisaïsme du culte, l'Église eût pu oublier le contrôle efficace qu'elle doit exercer sur toute la gamme de nos inspirations personnelles; si elle eût fait du christianisme, selon le mot de Channing, un esprit et rien de plus, il y a longtemps que cet esprit se serait évaporé en l'air, l'Église serait morte. L'expérience religieuse, commencée par Luther et si richement variée depuis le jour où le réformateur brûla publiquement bulle du pape et les décrétales sur la grande place de Wittemberg, démontre clairement la rigoureuse nécessité du gouvernement des âmes. Qui soutient aujourd'hui le protestantisme en sa forme apparente d'Église vivante? Des causes bien diverses en Angleterre et en Prusse, l'établissement officiel, la suprématie de l'Etat ; dans les pays mixtes, la lutte prosélytique et doctrinale contre le catholicisme, ou tout au moins l'émulation d'Église contre Église ; un peu partout, le besoin d'enseignement, de direction, d'autorité religieuse que tout homme éprouve, quand il s'avoue incapable de se

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faire à soi tout seul une claire et convaincante interprétation de sa destinée et de sa Bible. Le protestantisme se maintient, à ce qu'il semble, par des causes psychologiques, politiques, historiques, étrangères à sa nature intime, sinon contradictoires. L'aboutissant réel et nécessaire de son libre examen, ce n'est pas une union plus immédiate avec Dieu, c'est la critique démolisseuse qui va de Strauss à Harnack. C'est la Bible en miettes. Aussi, dès le XIVe siècle, l'Église attentive aux abus humains du principe d'inspiration et de liberté, les condamnait énergiquement, dans le concile de Vienne. Mais elle a condamné l'abus et non le principe. Elle s'est gardée de la religion individualiste et sans corps; comme elle s'est gardée de la religion pharisaïque et sans âme. Elle nous a bien compris tels que nous sommes par la constitution essentielle de notre nature: ni anges, ni bêtes, ni solitaires. Elle a respecté notre âme que l'Esprit de Dieu habite et inspire; elle est venue en aide à notre faiblesse qui réclame un gouvernement: elle a pourvu ce gouvernement de la plus forte organisation qu'aucun pouvoir aie jamais réalisé sur terre; mais elle n'a point oublié, dans sa toute-puissance de lier et de délier les consciences, la parole divine dite au soir de la Cène : « Les rois des païens les <«< maîtrisent... ne faites pas comme eux! >>

L'Église catholique est faite d'inspiration, plus encore que de

gouvernement.

Fr. M.-B. SCHWALM,

Des Frères Prêcheurs.

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JÉSUS DE NAZARETH

PAR ALBERT RÉVILLE

Venant d'un homme qui se dit chrétien, qui prétend n'être pas impie et ne l'est pas en effet, ce nouveau livre de M. Albert Réville affligera, et profondément, quiconque parmi nous conserve encore le plus petit reste de foi. Pour ce motif, nous aurions voulu n'en pas parler. Mais la personne de l'auteur et le caractère du livre ne nous permettent pas de garder le silence. M. Albert Réville occupe une chaire au Collège de France; il est donc une personnalité en vue dans le monde intellectuel. Son livre n'a pas le côté fantaisiste et superficiel qui constituait le tout du livre de Renan et qui, s'il pouvait créer une certaine vogue d'assez mauvais aloi, devait finalement attirer sur son auteur la sanglante ironie que M. Challemel-Lacour exprima si bien en un jour demeuré célèbre. L'œuvre de M. Albert Réville ne sera pas lue il nous en avertit lui-même

comme l'a été celle de Renan. Mais aux yeux d'une certaine critique se disant rigoureuse et austère, il se pourrait qu'une telle œuvre fût accueillie avec faveur. C'est donc un devoir pour nous d'en considérer la vraie nature; et nous pensons que nos lecteurs nous sauront gré de leur en montrer, quoique rapidement, le côté faible.

I

La « première partie » du livre de M. Réville en devrait être, appelée plutôt l'introduction. C'est, en effet, un coup d'œil d'en

semble sur les sources historiques de la vie de Jésus. L'auteur examine les faits de l'Ancien Testament considérés comme préparatifs messianiques; et, pour les livres du Nouveau, il essaye d'en fixer l'autorité documentaire.

Dès son premier chapitre, intitulé « le berceau du christianisme », M. Albert Réville nous avertit qu'aujourd'hui, en ce qui est de nos origines chrétiennes, nous n'avons plus à tenir compte de l'hypothèse d'une révélation miraculeuse ». Ici, comme en tout, la « science », une science « religieuse », il est vrai, nous devra fournir les explications désirées. Or la « science religieuse », pas plus que l'autre « science », n'a le privilège de rallier tous les esprits autour d'une seule et même explication. C'est ainsi qu'on a vu se succéder, dans notre siècle seulement, les explications d'un christianisme venant «< de la vieille religion solaire et astrale », ou « du judaïsme sous l'influence de la philosophie grecque », ou « de la sagesse brahmanique », voire même « du bouddhisme ». Mais «l'histoire étudiée de près n'a confirmé aucune de ces explications plus ou moins fantaisistes ». « On oubliait, parmi les éléments du problème à résoudre, cette unité de l'esprit humain en vertu de laquelle des prémisses semblables, nées en lieux très divers et prises pour points de départ parallèles, peuvent, dans leurs conséquences, aboutir aux plus étonnantes ressemblances d'application, bien qu'il n'y ait jamais eu le moindre rapport entre les populations respectives. » De toutes les explications proposées, celle qui paraîtrait la moins déraisonnable à M. Réville est l'explication helléniste ». Ily reconnaîtrait même une part, une très large part de vérité, ainsi que nous aurons l'occasion de nous en convaincre. Mais il veut que dans la formation du christianisme, l'hellénisme cède le pas, et sans proportion aucune, à l'influence palestinienne. «Pour déterminer le principe originel du chistianisme, pour mesurer l'énergie de cette vertu partie de Jérusalem, il faut laisser entièrement de côté l'hellénisme, il ne faut pas sortir de Palestine (p. 6). Et même, en ne sortant pas de la Palestine, l'on doit exclure l'influence grecque, qu'on voudrait avoir été propagée vers la fin du ° siècle et le premier tiers du siècle avant notre ère. Cette propagation fut de courte durée et amena un résultat contraire : la réaction fut en raison directe de la violence qu'on avait

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