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même instant et d'une voix également forte: oui et non (1), ce qui produit un zéro de connaissance circa certam honestatem, qui est le terme obligatoire de la recherche en cette matière. C'est ce que saint Thomas exprime par les paroles déjà citées : nullo modo assentit, nihil habet de assensu.

Mais cette raison, capable de lever l'obligation, n'existe plus dans le cas où l'on est convaincu que l'obligation d'une loi a certainement commencé d'être, mais qu'on doute seulement, quoique strictement, si elle persévère encore.

Rappelons ici le principe fondamental de toute cette question. Lorsqu'il faut choisir une opinion comme règle de conduite par rapport à un objet ou une matière quelconque, la mesure de ce choix doit être nécessairement ce que cet objet ou cette matière manifeste, concernant son honnêteté, à la conscience humaine. Or, dans le cas supposé, c'est-à-dire: in dubio cessationis obligationis, quæ certum initium habuit, il y a, concernant l'objet de l'action, connaissance positive du fait antérieur certain de la promulgation, devenu, il est vrai, spéculativement douteux, mais non privé certainement de son droit, en soi inaliénable, d'être pris pour règle de conduite, pour mesure de l'honnêteté de l'action relativement à cet objet-là. On est donc obligé en ce cas de choisir comme règle de conduite cette proposition en faveur de la loi, quoique en soi douteuse; elle s'impose non pas directement, mais indirectement, en vertu du principe déjà énoncé : que la conviction de l'homme concernant l'obligation de l'objet ou de la matière de son action conviction, qui se trouve dans toute probabilité s'élevant audessus du doute strict — doit être sa règle dans le choix d'une opinion, lorsque cet objet ne donne pas de certitude directe concernant sa malice ou son honnêteté.

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C'est ici le lieu de répéter l'observation déjà faite dans notre article précédent, savoir que le principe secondaire doit être appliqué d'après la mesure du principe primaire; le principe primaire indique le sens légitime du secondaire. Or le principe primaire dans cette question est celui-ci pour qu'une action ou un choix soit moralement licite, ils doivent être conformes à la

:

(1) Il n'importe que cette voix soit la voix naturelle de l'objet (l'évidence), ou la voix empruntée de l'autorité des Docteurs.

conviction personnelle concernant l'objet de l'action ou du choix. L'axiome lex dubia, lex incerta non obligat, n'est, quant à la moralité, qu'un principe secondaire, libératif, non pas constitutif. Que si l'on objecte de nouveau : « Tout m'est permis, qui ne m'est pas certainement défendu », nous le concédons, mais en disant bien haut : cette défense certaine peut surgir aussi indirectement du droit certain de la conviction humaine d'être prise comme mesure prochaine de tout choix, soit d'une action, soit d'une proposition, comme règle de conduite.

J. L. JANSEN, C. SS. R.

Lecteur de Philosophie au couvent de Wittem (Hollande).

LE CAS DURTAL

Je voudrais transcrire ici une histoire d'âme qui nous est rapportée avec beaucoup d'autres choses dans les livres étranges de M. Huysmans: En route et La Cathédrale.

Un même personnage, Durtal, sert de lien dans ces deux ouvrages aux dissertations les plus diverses, sur le plain-chant, l'architecture gothique, la vie monacale, la mystique et les vices d'un célibataire fatigué. Ce Durtal, que M. Huysmans a fait à son image, se convertit à travers les monologues que l'auteur place dans sa bouche, et s'étant converti, cherche à son àme nouvelle de chrétien le genre de vie, les affections, les occupations intellectuelles qui lui conviennent. Et, de même que les dissertations nous attachent par la puissance quelquefois barbare du style, cette histoire d'une conversion nous intéresse par la sincérité et l'exactitude quelquefois indiscrète de l'observation. En vrai romancier naturaliste qu'il veut être, M. Huysmans expose son cas Durtal, si pareil à une confession, sans reculer devant les puérilités de sentiment de son héros, avec une franchise et une abnégation totales.

Ce cas Durtal, exposé avec tant d'exactitude, ce sera donc la seule chose que nous retiendrons de En route et de La Cathédrale, laissant à d'autres le soin d'en apprécier le style, l'esthé– tique ou les idées. Ce nous sera assez de constater à la suite d'un observateur extrêmement consciencieux, comment un des critiques les plus ouverts à l'art le plus moderne, un romancier rattaché à l'école la plus éloignée du catholicisme et des sentiments chrétiens, un écrivain qui ne paraissait ni d'assez forte pensée, ni

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d'assez persistante énergie pour réagir contre sa vie et son art, Durtal, tel que M. Huysmans a voulu nous le montrer était tout cela - est revenu au catholicisme, péniblement, mais véritablement. On y remarquera sans surprise, j'espère, combien les péripéties de cette histoire et les étapes de cette conversion confirment de très anciennes vérités. La lutte de l'âme contre la grâce est une vieille histoire, même sous la forme tourmentée que lui donne M. Huysmans: vetera novis.

Depuis longtemps, Durtal est fatigué de la vie qu'il mène, dans la solitude, dans l'ennui et sous les « emprises de la chair ». Il a perdu ses deux seuls amis. La luxure- qui le tient et l'asservit

le dégoûte. Il a pour ses compagnons de littérature, d'incrédulité et de vice, le même éloignement, le même dégoût que pour lui-même. Vieux garçon dyspeptique, usé, morose, il ne se déplairait pas dans les églises où ses recherches d'art l'ont introduit et le ramènent souvent, s'il n'y sentait l'incompréhension et la haine de l'art, et si « la vulgarité des flonflons » et les « gargarismes des chantres » ne l'écœuraient. Et il aurait quelque indulgence et quelque sympathie pour ceux qui croient, mais les âmes plates des dévots d'aujourd'hui qu'il compare aux saints et aux mystiques du Moyen Age, lui paraissent ridicules et méprisables. En somme, on ne saurait imaginer situation plus triste que celle de Durtal; et raisonnablement l'on ne voit pas comment il en pourrait sortir.

Or Durtal, qui lui-même ne cherche pas à s'évader de son cachot, où il se croit condamné à vivre, à mourir, en « se piétinant l'âme toujours sur la même piste », Durtal, à sa grande stupéfaction, se réveille un beau matin, croyant. Par quelles préparations? Après quel travail? Il n'en sait rien. Dans le secret du cœur, à la fine pointe de l'âme, la foi s'est élaborée, échappant aux regards.

Et ce malaise primitif et désespéré, c'était sans doute la gestation de la foi quelque chose d'analogue à la digestion d'un estomac >>.

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Remarquons au passage que, parmi tous les arguments positifs, d'ordre scientifique, historique, philologique, qui, dit-on, interdiraient à la raison moderne de se plier à nos croyances, aucun ne revient à l'esprit de Durtal pour l'arrêter; et je ne dis même pas pour l'arrêter, mais pour l'inquiéter, le forcer à un débat et à une discussion. Effectivement pour Durtal et pour tout le monde en somme ces raisons de science et de philosophie qu'on invoque pour expliquer son attitude en face de la religion, sont des prétextes et des explications bien plus que des causes; c'est un système théorique que l'esprit invente pour représenter et justifier la vie de son âme. Il est vrai cependant que la science positive nous impose du dehors certaines règles universelles pour la conduite de l'esprit; mais ces règles sont si éloignées de l'ordre des vérités religieuses qu'on ne songe guère à elles pour commencer à croire,non plus que pour cesser de croire. Ces transformations-là se font par le dedans, en vertu du mouvement propre de la personnalité et de l'opération mystérieuse de la grâce. On croit selon son âme, plutôt que selon ses principes.

On le voit clairement dans la naïveté et l'exactitude du récit de Huysmans. L'étonnement de Durtal, lorsqu'il s'éveille à la foi, en est une preuve très vivante. Cette foi, chez Durtal, c'est le sentiment invincible que là, devant lui, dans les églises, s'il y entre d'un cœur soumis, il trouvera un hôpital pour ses misères morales, un hôpital où l'on ne se contente pas de cataloguer les maux des âmes gangrenées, où on les guérit, car ces églises possèdent des remèdes effectifs en la présence réelle du Dieu vivant. Voilà ce que Durtal sent, ce qu'il croit, ce qu'il sait; mais il ignore comment il le sait. Et il s'effare de cette certitude dont il n'est pas l'auteur, qui est inébranlable pourtant. Il cherche en vain à l'expliquer par un atavisme d'ancienne famille pieuse, par les impressions ressuscitées de son enfance, par l'attrait de la liturgie catholique; mais toutes ces causes sont si insuffisantes pour un si grand effet! et puis leur mode d'action aurait été bien singulier! Durtal finit par avouer qu'il n'y comprend rien: Le fait est qu'il croit, et de guerre lasse il renonce à chercher plus loin.

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