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cation indépendante explique pourquoi les Compagnons n'appellent aucun d'eux légende, mais quasi-légende, pourquoi aussi l'une et l'autre partie s'est transmise séparément dans les manuscrits; mais en soi les deux parties s'appellent et se complètent, comme les deux parties d'une même œuvre que les circonstances historiques dans lesquelles elles sont nées ont contraintes à être séparées. Quant à la seconde légende de Celano, elle représente très secondairement le projet du chapitre de 1244 par la collection des miracles qui se trouve dans la seconde partie. L'intervention littéraire des Compagnons ayant pesé constamment sur sa composition et lui ayant donné cette physionomie complexe, due aussi à ce qu'elle fut élaborée sous deux généraux dont les vues étaient différentes. Nous croyons toutefois que M. Sabatier, comme M. K. Müller avant lui (Die Anfænge, p. 181), ont été injustes à l'égard de Celano. Ce dernier pourra se convaincre que les prétendues falsifications attribuées à cet historien sont un emprunt fait au Speculum (p. 70 et 75). Les critiques ont tort, en jugeant Celano, comme saint Bonaventure, d'oublier que leurs légendes de saint François, qui étaient sans doute des écrits historiques, étaient également des écrits de circonstance, à raison de la diversité de vues qui régnaient dans l'ordre. On n'a pas établi que ces historiens aient altéré la vérité, mais ils ont dû, pour des raisons de prudence, passer légèrement sur certains traits primitifs, ou même quelquefois les omettre, pour ne pas fournir une arme à un groupe d'esprits, sincères, croyons-nous, mais entiers et inquiets. Dans le même ordre d'idées, nous reprocherons aussi à M. Sabatier de se constituer d'office l'avocat des primitifs au lieu de se contenter d'être impartial des origines françaises. Trop souvent M. Sabatier plaide une cause et déploie un zèle de partisan. On ne peut sans doute lui refuser le droit d'admirer l'idéal de pauvreté et de simplicité qui caractérise les aspirations des primitifs, mais nous aurions bien aimé voir M. Sabatier nous dire ce que serait devenu l'ordre de saint François le jour où, prenant son énorme développement, il se fût dispensé d'une organisation solide et se serait contenté de laisser ses membres vivre à la façon des spirituels. On ne peut condamner ni l'action des ministres ni celle de Grégoire IX sans savoir si elle était fondée sur de légitimes et graves raisons.

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Nous ne nous arrêteronspas à l'examen des raisons qui établissent que dans son ensemble le Speculum est l'œuvre des Socii et plus. spécialement de Frère Léon. Les caractères intrinsèques du Speculum, tant au point de vue des idées que de la rédaction, la réclame incessante des rédacteurs qui se déclarent les témoins et les compagnons de François; les rapports du Speculum avec la légende dite des Trois Compagnons, enfin les témoignages explicites de la littérature postérieure, ne permettent pas de dénier à Frère Léon ce qui est manifestement son œuvre.

Nous ne croyons pas toutefois que le titre de Legenda antiqua dans la littérature franciscaine postérieure au x° siècle désigne le Speculum, mais bien l'œuvre dernière de Celano. La chronique des XXIV généraux le dit explicitement (p. cxx11) et le rédacteur du Speculum Vitae le laisse pareillement entendre (p. cLv). Le Speculum n'a pas à lui seul les caractères suffisants pour être qualifié de légende, et encore moins peut-il être dit légende la plus ancienne, legenda antiquissima.

Mais, malgré les critiques précédentes, malgré surtout l'erreur de date relative au Speculum, il n'en reste pas moins que M. Sabatier a exhumé, croyons-nous, la source historique importante venue des Compagnons et qui nous manquait encore. Il est bien vrai que la composition du Speculum en 1248 (car c'est la date, nous semblet-il, qu'il faut lire, le chiffre 4 ayant été changé en X) prête à plus de critiques qu'à la date 1227. Au temps de Jean de Parme, des Compagnons étaient dans un état d'esprit plus particulariste qu'au lendemain de la mort de saint François, et ils avaient plus de raisons encore de composer une thèse. Néanmoins, malgré l'éloignement de leur état psychologique, leur autorité est de premier ordre et nous ne croyons pas qu'on puisse les prétériter à l'avenir.

On retirera de l'œuvre des Compagnons, nous voulons dire du Speculum, des renseignements positifs très précieux pour fixer des points d'ensemble et de détail relatifs à la vie et aux vues de saint François-d'Assise. Il n'y aura pas à proprement parler de révolution, à moins qu'on ne se mette au point de vue de ceux qui ont écrit la vie du saint sans tenir suffisamment compte des deux

règles, du testament et des autres écrits du saint, des lettres pontificales, de la légende des trois Compagnons et de 2 Celano 2. Toute cette littérature en effet nous fournit les mêmes données générales que le Speculum, et nous sommes étonné que M. Sabatier, qui a établi de nombreux et précieux tableaux pour montrer les rapports du Speculum avec les autres légendes ou d'autres sources, n'ait pas songé à faire le même travail par rapport aux œuvres de saint François. Il aurait obtenu un résultat des plus importants, à savoir: l'authentication du groupe d'écrits le plus précieux attribué à saint François, celui qui est connu sous le nom de Collationes Monastica et que M. Sabatier n'a pas positivement songé à réclamer en faveur du saint dans son introduction critique à la vie de saint François.

Nous avons déjà fait ce travail avec 2 Celano 2-3, on peut le faire pareillement avec le Speculum et la contre-épreuve comme l'épreuve vont à établir de la façon la plus critique et la plus autorisée l'authenticité des Collationes Monastica. On verra que les compagnons en écrivant le Speculum, comme Celano en composant la seconde moitié de sa dernière légende, avaient ces écrits. sous les yeux. Celano, en effet, n'avait pas seulement le Speculum, mais les écrits du saint eux-mêmes, puisqu'il leur fait des emprunts que le Speculum n'a pas.

D'où venaient ces écrits? De Léon qui les avait recueillis sur l'ordre même du saint, si on doit en croire Ubertin de Casal (p. 64), et c'est de ces écrits que Léon avait fait faire une copie solennelle, suivant son expression, pour le couvent d'Assise d'après la copie qu'il avait faite lui même et qui constituait ce que Ubertin appelait les rotuli (ibid.). Mais, au temps même où Léon avait fait cette collection, les écrits du saint étaient déjà incomplets, ainsi que Léon nous l'apprend (p. 29).

Qu'étaient originairement ces écrits fragmentaires que nous possédons encore dans les Collationes? C'étaient les lettres circulaires ou admonitions que François adressait aux frères spécialement à l'occasion des chapitres généraux et qui en constituaient comme les actes. C'est là, pensons-nous, ces institutiones sanctæ dont parle Jacques de Vitry, en 1217 (non 1216, comme le croient MM. Röhricht et Sabatier) (p. 300), et comme les fragments en conservent encore le caractère évident (comparez par exemple la

collatio XXIII avec Analecta Franciscana, III,581 et Jourdain de Giano, ibid. I, p. 3, n. 7).

On pourrait se demander encore quel est le rédacteur de ces écrits de François; et ici le nom de Léon serait celui qui se présenterait le premier. Nous savons que François savait écrire (2 Celano, 11, cap. 18); son sens poétique en langue vulgaire est moins dubitable que jamais après la publication du Speculum. Mais était-il à même de composer ce latin qui, sans aucune prétention humaniste, n'en est pas moins celui d'un lettré? On est en droit d'en douter puisque Celano nous dit : « Homo iste beatus nullis fuerit scientiæ studiis innutritus (2 Vita, III, 45) et Bernard de Besse : Papa Gregorius... devote supplebat, quod viro sancto in dictandi scientia deerat » (Annal. Franc. III, p. 628). Dès lors le nom de Léon ne se présente-t-il pas de lui-même quand nous l'entendons nous dire dans le Speculum : « Nos qui cum ipso quando scripsit regulam fuimus et fere omnia alia sua scripta » (p. 28)? On le voit donc, le rôle littéraire de Léon dans l'histoire des origines franciscaines est fort important et remonte très haut. Il ne peut manquer de soulever des questions intéressantes et multiples.

Quoi qu'il en soit et malgré les critiques sur lesquelles nous avons insisté, on ne peut méconnaître l'importance de la publication de M. Sabatier. Si nous avons relevé un peu vivement ce qui nous semblait être des inexactitudes et des imperfections, c'est dans le seul intérêt de la vérité et par regret qu'une œuvre de tant d'érudition et de mérite ne soit pas absolument inattaquable.

P. MANDONNET, O. P.

L'INSPIRATION INTÉRIEURE

ET LE GOUVERNEMENT DES AMES

DANS L'ÉGLISE CATHOLIQUE

L'Eglise catholique admet-elle vraiment que, dans les actes ordinaires et quotidiens de leur vie surnaturelle, ses fidèles reçoivent des inspirations du Saint-Esprit ? Si elle l'admet, comment s'accommode-t-elle de ces inspirations dans la pratique de son gou

vernement?

Ce ne sont pas seulement les récentes discussions soulevées à propos de la doctrine spirituelle du Père Hecker, qui nous font prendre intérêt à cette question. C'est un mouvement général dont ces discussions ne sont qu'un épisode. Qu'elles se prolongent ou qu'elles finissent, ce mouvement ne nous semble pas prêt de s'arrêter. J'ai tâché d'en assigner les causes humaines et le caractère social dans mon étude : Individualisme et Solidarité (1). Il emporte de plus en plus les hommes de notre temps vers un développement plus entier de leur personnalité : ils ne peuvent plus compter comme jadis, sur leur famille, sur leur voisinage, sur le gouvernement; ils sont forcés, bon gré mal gré, de compter davantage sur eux-mêmes. L'Église à son tour reçoit le contre-coup de ce mouvement: elle vit parmi les hommes. Mais ce n'est pas seulement un contre-coup de son milieu humain qu'elle ressent; ses propres principes sur la conscience humaine et sur le mouvement intérieur de la grâce divine la rendent toujours attentive à toute revendication d'autonomie. En elle aussi des hommes vivent, comme dans les sociétés humaines, profondément oppo

(1) Revue Thomiste, mars 1898.

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