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transcendant; c'est, comme dans toute démonstration de l'existence de Dieu d'ailleurs, par la vue d'une propriété immanente aux choses, que nous ne pouvons expliquer adéquatement par la nature, que nous sommes amenés au transcendant, envisagé non en lui-même, mais dans une de ses activités. L'Action n'aboutit donc pas au Transcendant en lui-même, dans son être : bien qu'elle aboutisse au Transcendant lui-même, considéré dans l'attrait qui lui est propre.

L'exigence suprême de l'ACTION HUMAINE, c'est l'ACTION en sens contraire DE DIEU.

Mais ce qui ne saurait faire aucun doute c'est l'objectivité extérieure, le réalisme transcendantal de cette action. C'est un choc que je reçois, c'est un ébranlement que je ne suscite pas en moi. Autre chose que moi m'attire. C'est dans ces termes rudimentaires qu'il faut énoncer le fait psychologique central du problème de l'action pour que le plus simple retour de conscience sur soi puisse rendre compte de son évidente vérité. Dès lors tout est gagné : car les déterminations de cet autre que moi-même, dont l'attrait m'émeut et met en moi les semences de l'action, ne m'appartiennent pas. Je les ai tirées de moi-même en ce sens que ma volonté, puissance mue, m'a dicté ses exigences en fait de moteur. «Non enim sufficienter aliquid potest movere aliquod mobile, nisi virtus activa moventis excedat vel saltem adæquet virtutem passivam mobilis virtus autem passiva voluntatis se extendit ad bonum in universali (1). » Mais le moteur d'une volonté essentiellement passive est nécessairement en dehors. L'irréductible opposition de l'actif et du passif l'exige. Le passif comme tel est distinct dans son être de passif de l'être de l'agent qui agit sur lui. Ce sont deux propriétés qu'il faut subjecter dans deux êtres distincts l'un de l'autre. Et donc, c'est bien un Dieu distinct de moi qui agit sur moi et non un ídéal immanent extrait de ma subjectivité.

Ainsi se concilient dans NOTRE DERNIER OBJET la transcendance et l'immanence. La transcendance est exigée par la nature même de l'attrait, qui est la première origine et la naissance de l'action. La méthode d'immanence intervient pour extraire du sujet les traits de cet objet suprême extérieur à nous, auquel cependant notre (1) I. q. cv, a. 4. c.

action tout entière est suspendue. La cause première de l'action est bien située au dehors: mais sa cause seconde, prochaine, l'amour de notre bien est immanent : il est placé au point de jonction de l'attrait divin et de l'activité humaine. C'est par lui que notre dernier objet pénètre dans nos actes de chaque instant.

Ce n'est donc pas une hétéronomie que demande l'action. L'hétéronomie suppose que des choses étrangères l'une à l'autre se conditionnent, se règlent. C'est là une impossibilité manifeste. Notre dernier objet, au contraire, est le corrélatif exigé de la nature de la volonté humaine. Nous possédons en puissance, c'est-à-dire en germe notre divin objet : mais ce germe a besoin d'être fécondé par l'attrait divin, agissant sous les diminutions de bontés créées qui forment son vêtement vivant (1).

Ce n'est donc pas non pas « la marque et la trace toute vide >> d'un ancien état de bonheur qui cause le mouvement incessant de notre dynamisme volontaire, nos oscillations constantes, notre activité effrénée. Cette cause, bien loin d'être une imperfection et un mal, est la souveraine perfection de l'homme en tant qu'être actif. Cette cause, saint Augustin l'a jetée dans ce cri de son âme: <«<< Tu nous as fait pour toi Seigneur, et notre cœur est sans repos jusqu'à ce qu'il se repose en toi. » Et le Père Lacordaire : « C'est Dieu qui se remue dans les cœurs de vingt ans ! » Mais qui donc n'a pas vingt ans, quand la pensée du tout qu'est finalement Dieu en fait de vrai bonheur s'impose à lui? C'est la conclusion même de la preuve de saint Thomas: « Et donc Dieu seul peut remplir la volonté de l'homme selon la parole du psaume : C'est Lui, qui remplit ton désir : ta jeunesse sera renouvelée comme celle de l'aigle. »

On prétend opposer saint Augustin à saint Thomas; la méthode du cœur à la méthode dialectique; l'ordre de la charité à l'ordre logique; le Dieu cause première au Dieu sensible au cœur. Les œuvres des deux grands génies chrétiens sont heureusement là pour les défendre. N'en déplaise à Pascal, saint Thomas a connu « l'ORDRE (2) », et il y a de la dialectique dans saint Augustin. Et

(1) Deus appetitur in omni fine. Q. XXII, de Verit. a. 2, c.

(2) PASCAL. Pensées., éd. Brunschwicg, pensée LXI. Dans une note où il montre bien qu'il n'a saisi que l'extérieur de l'organisation de la Somme, M. Brunschwicg fait ce

pourquoi la méthode logique ne viendrait-elle pas fortifier de sa rigueur la méthode de la charité? Pourquoi le Dieu sensible au cœur ne serait pas aussi, comme nous l'avons montré, le Dieu cause première, par son attrait, de tout amour et de toute activité? Pourquoi ne pourrait-on exposer avec logique, c'est-à-dire dans leur suite et connexion naturelle, les exigences de l'Action? Voilà ce qu'a fait saint Thomas dans la présente question comme en beaucoup d'autres. Il n'est que le fidèle interprète de la doctrine de saint Augustin. Qu'on en juge par cette page des Soliloques. Après la doctrine de l'Action, c'est l'Action elle-même qui va parler:

« J'ai donc erré comme la brebis en détresse, te cherchant à l'extérieur, toi qui es à l'intérieur. J'ai beaucoup peiné te cherchant hors de moi, et tu habites en moi, si cependant je te désire. J'ai fait le tour des rues et des places de la cité de ce monde, te cherchant sans te trouver, car je cherchais au dehors celui qui est au dedans. >>

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« J'ai envoyé des messagers, mes sens extérieurs, à ta recherche; mais c'était mal te chercher... car tu es à l'intérieur et les sens ignorent par où tu és entré. Les yeux disent s'il n'est pas coloré il n'est pas entré par nous; - les oreilles s'il ne fait pas de bruit, il n'est pas passé par nous; l'odorat s'il ne sent rien, ce n'est pas par moi qu'il est venu; le goût : s'il n'a pas de saveur, je n'ai pu connaître son passage; - le toucher : s'il n'est point corporel, ne m'interroge pas à son sujet... »

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« Et cependant, quand je cherche mon Dieu, c'est une lumière que je cherche qui dépasse toute lumière, une lumière que l'œil ne peut saisir; c'est une voix plus harmonieuse que toutes les voix, et que l'oreille n'entend point; c'est une odeur incomparable et que ne saisit pas l'odorat; - c'est une douceur inexprimable dont le goût ne saurait se rendre compte ; c'est un embrassement qui n'a pas d'égal: le toucher ne le connaît point... Voilà ce que je cherche lorsque je cherche mon Dieu; voilà ce que j'aime, lorsque j'aime mon Dieu. >>

commentaire : « Une telle argumentation n'a pas de racines dans l'esprit; elle ne fait pas voir comment une vérité s'engendre chez l'homme, elle n'a pas de pouvoir de se faire croire. » C'est le cas de dire au docte annotateur : non equidem invideo, miror magis.

«C'est bien tardivement que je t'ai aimée, beauté si ancienne et cependant si neuve; oui, bien tard... et cependant tu étais en moi, et moi en dehors, et c'est en dehors que je te cherchais. Sans beauté, je me ruais sur ces merveilles que tu as créées. Tu étais avec moi et moi je n'étais pas avec toi : toutes ces choses me tenaient loin de toi, elles qui n'existent que par toi ! J'ai interrogé la terre et lui ai demandé si elle était mon Dieu : elle m'a dit non. J'ai interrogé tout ce qu'elle contient : même aveu d'impuissance. J'ai interrogé la mer, les abîmes, tout ce qui s'agite dans leur sein ils m'ont répondu : nous ne sommes pas ton Dieu : cherche-le au-dessus de nous... Et j'ai dit à tout ce qui environne les portes de ma chair: vous me dites ce que vous n'êtes pas dites-moi donc quelque chose de Lui; et leur grande voix me répondit: Il est celui qui nous a fait (1).

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Immanence du désir de Dieu conçu comme le bien total : lumière, voix, odeur, saveur, embrassement incomparables et parfaits; impuissance des créatures à expliquer ce désir et à le satisfaire; oscillations du vouloir humain à la recherche de son objet dernier dans les objets créés; - enfin, réponse définitive : Cherche-le au-dessus de nous, tous ces éléments de la preuve de saint Thomas, nous les retrouvons palpitants dans l'âme de saint Augustin.

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Dans le texte que nous citions au début de ces recherches, nous écoutions Pascal nous dire : « Toute la vie humaine doit prendre une direction si différente, selon qu'il y aura des biens éternels à espérer ou non, que l'on ne saurait faire aucune démarche avec sens et jugement qu'en la réglant d'après ce point qui doit être notre dernier objet. » Nous sommes renseignés maintenant sur ce dernier objet de notre vie. Les BIENS ÉTERNELS ne sont pas une chimère. L'ACTION LES EXIGE.

Mais pouvons-nous régler notre Action par la vue de ce point, et comment s'y prendre? La question des exigences objectives de l'Action appelle naturellement le problème des ressources subjec– tives de l'Action. Ce sera le sujet d'une prochaine série d'articles. Fr. A. GARDEIL, O. P.

(1) Soliloques, XXXI.

FRÈRE LÉON

HISTORIEN DE S. FRANCOIS D'ASSISE

La littérature relative à saint François d'Assise a pris un développement considérable depuis un certain nombre d'années. Aucune publication toutefois n'a eu autant de retentissement que la Vie de saint François d'Assise de M. P. Sabatier. Le talent de l'auteur et la hardiesse de quelques-unes de ses idées lui ont valu un nombre égal de félicitations et de critiques. Entraîné par ses recherches sur le terrain des origines franciscaines, M. Sabatier a repris en sous-œuvre son travail auquel il a ajouté de nouvelles études; et, comme le propre du champ de l'histoire est d'y voir surgir une étonnante germination au fur et à mesure qu'on le creuse et qu'on le cultive, M. Sabatier s'est résolu à entreprendre une grande publication pour y déposer les résultats de ses travaux et constituer la base critique de ses écrits ultérieurs sur l'histoire franciscaine. Cette publication qui porte le titre général de Collection de documents pour l'histoire religieuse et littéraire du moyen âge vient de faire son apparition avec le premier volume intitulé : Speculum perfectionis seu sancti Francisci Assisiensis Legenda Antiquissima auctore fratre Leone, nunc primum edidit Paul Sabatier (1).

Ici, comme pour la vie de saint François, l'éloge n'a pas tardé à se faire entendre, mais il a été aussi suivi de près par la critique. En Italie, M. Faloci Pulignani, directeur de la Miscellanea Francescana, tout en reconnaissant les mérites scientifiques de M. Sabatier, s'est vivement attaqué à quelques-unes de ses conclusions fondamentales (2). En France, M. Le Monnier, un des historiens les plus estimés du saint, a déclaré, dans une lettre à l'Univers

(1) Paris, Fischbacher, 1898, 1 vol. in-8°, ccxiv-376 p.

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