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par sa conformité à la raison. L'on satisfait ainsi au desideratum de Kant en évitant un paradoxe. Cette explication n'est d'ailleurs pas en désaccord avec la manière de voir de Kant: elle en donne, nous semble-t-il, la raison d'être profonde. Elle n'introduit aucune dualité dans l'action, puisque toujours le bien rationnel particulier peut être considérée comme un moyen d'assurer le bien rationnel total, et que nos actions particulières ne forment ainsi qu'un seul tout avec l'intention qui les anime.

Quoi qu'il en soit de cette divergence, nous estimons que M. Fénard est en droit de conclure comme il le fait une discussion si approfondie et si vigoureusement menée. « Après comme avant Kant, dit-il, le problème moral reste ouvert : il n'a pas reçu de Kant une solution définitive. »

(Annales de Philos. chrét., février-mars 1898.)

VI

LOGIQUE

A. G.

BARON CARRA DE VAUX Le Syllogisme. Dans une première partie l'auteur trace à grands traits l'historique du syllogisme. Aristote et les origines, la scolastique et l'apogée, les temps modernes et le déclin. Une seconde présente une classification simplifiée, peut-être à l'excès : le syllogisme multiforme ramené à trois espèces suivant les trois espèces de conclusions possibles, universelle affirmative, particulière affirmative, négative. « Les syllogismes de cette dernière espèce n'aboutissant qu'à une conclusion exclusive ou négative n'augmentent plus en aucune façon la connaissance positive que nous avions du sujet. »

La troisième et dernière partie, la plus importante, est une critique du syllogisme, de sa valeur comme instrument de connaissance. Valeur bien dépréciée de nos jours.

1° L'étude directe des notions aboutirait souvent à la conclusion sans le détour syllogistique.

2o Dans les sciences d'observation il n'est le plus souvent qu'un ridicule embarras, malgré quelques services secondaires et subordonnés.

3o Dans l'élaboration des lois ou principes il est inutile, car il ne peut s'assimiler à l'induction.

:

4o Dans les sciences déductives, son rôle n'est point prépondérant la géométrie est surtout constructive; le droit, science pratique, et les sciences morales introduisent un esprit de finesse, « dernier affront infligé au syllogisme par la série des sciences ».

La conclusion réhabilite un peu le syllogisme à titre d'escrime, d'art utile pour donner à l'esprit acuité, vigueur, promptitude.

Critique très vraie au fond, trop vraie... car on n'insiste pas sur l'évidence. 1o Peut-on faire cette étude directe, et quand on croit la faire, ne dissimulet-elle pas un syllogisme latent, syllogisme qui n'est pas la formule rigoureuse, raide, écrite, mais qui est la loi même du fonctionnement rationnel? « Les hommes sont mortels; Pierre est homme; donc Pierre est mortel... L'énoncé de tels syllogismes est une pure tautologie ». Point. C'est un type banal, inusité, mais réel de raisonnement. Et toutes les fois qu'intervient l'expression << parce que », significative de la causalité, git un syllogisme, pas en formule; celle-ci est pédanterie, quand elle n'est pas utilité et clarté; le syllogisme, c'est l'esprit même.

2° Que le syllogisme n'intervienne que peu dans les sciences d'observation, c'est trop naturel, l'observation est un mode de connaissance direct; le syllogisme, un mode indirect.

3° « Aristote semble confondre le syllogisme et l'induction ». L'auteur ne prend pas tout à fait sur lui cette allégation, mais est-elle juste? Aristote définit l'induction qui est un raisonnement, en comparaison, en fonction du syllogisme qui est aussi un raisonnement, mais le plus ordinaire, le plus clair, le primitif. Etant donné que le syllogisme est un raisonnement où le grand terme est attribué au petit terme à raison du moyen terme, l'induction pourra comparativement se définir : un syllogisme où le grand terme est attribué au moyen terme à raison du petit terme. L'homme est mortel; Pierre est homme; donc Pierre est mortel; voilà le syllogisme déductif. Pierre est mortel; Pierre est homme; donc l'homme est mortel; voilà le syllogisme inductif. C'est donc un rapprochement destiné surtout à manifester les différences... le contraire de la confusion.

4° Que la géométrie soit d'abord constructive, c'est évident, si l'on songe qu'il ne peut y avoir syllogisme qu'à la préalable condition d'avoir des majeures et des mineures. La science se compose de deux parties, vérités acquises directement sans raisonnement; vérités acquises indirectement par syllogisme, et celles-ci supposent celles-là.

Que les sciences morales « portent leur plus grand effort sur l'analyse des termes et sur leur définition »,... toutes les sciences où le syllogisme est usitė en sont là. C'est que le syllogisme a une forme et une matière, et si la première regarde seulement l'accord de l'esprit avec lui-même, la seconde regarde l'accord de l'esprit avec la réalité, c'est-à-dire la vérité, suprême recherche de la science. L'auteur donc a fait bonne justice des prétentions exagérées du syllogisme, auquel d'ailleurs... il les a peut-être un peu prêtées.

(Annales de Philosophie chrétienne, février-mars 1898.)
Fr. J.-D. F.

T. J. O'MAHONY Les jugements synthétiques de la raison (Reason's synthetic Judgments). Le très Révérend D' O'Mahony a publié sous ce titre le mémoire qu'il a présenté au Congrès de Fribourg en 1897. Jamais travail n'a été plus mal jugé, lors de sa lecture à la section. de philosophie. Mgr Kiss a refait à ce propos la réfutation des jugements synthétiques a priori de Kant, pensant bien anéantir par là tout le système du D' O'Mahony. Or celui-ci se prononce aussi énergiquement que possible contre l'idée de Kant. J'ai relu toutes les pièces de la controverse : le premier mémoire de O'Mahony, la réfutation du Père Fuzier et le présent travail, qui n'est qu'une réplique au Père Fuzier. Pour tout lecteur impartial qui approfondit la question, la dernière réplique est victorieuse. Let Père Fuzier n'a manifestement pas compris les idées de son contradicteur. Dans la «< série » du Dr O'Mahony il y a tout autre chose que la constatation de sa propre existence par l'être pensant; il y a vraiment « les faits fondamentaux, les bases réelles de notre savoir... les principes dialectiques sur lesquels repose l'évidence de la Vérité suprême, de l'existence de l'Essentiel ».

Quant à la question en elle-même, nous accordons volontiers au Dr O'Mahony que ses propositions sont vraiment synthétiques, puisqu'elles supposent l'expérience de l'ordre réel. Mais sont-elles vraiment a priori? Il est permis d'en douter. Ces jugements sont acquis par « l'expérience immédiate de toute intelligence pensante » (given through each thinking mind's immediate experience), « par une pensée pure qui est l'acte de la raison » (by the pure act of thought, reason's own act), ou, comme le profond auteur le dit encore, « par l'analyse » du prédicat ». Mais quel est cet acte pur, cette analyse du prédicat, qui, partant de l'existence de l'ordre réel, mène la raison jusqu'à l'existence de l'infini? Ce n'est pas une simple conception, puisque l'auteur n'admet pas les «< conceptions a priori». Si c'est un raisonnement, la thèse du Dr O'Mahony se réduit à cette affirmation, commune à toutes les écoles théistes: Il suffit d'appliquer à la constatation pure et immédiate de l'ordre réel quelques principes analytiques, tels que le principe de causalité, pour aboutir à la réalité du divin. Mais alors pourquoi appeler « jugements synthétiques a priori » les conclusions nécessaires de raisonnements « a posteriori » ? Si au contraire le D' O'Mahony ne reconnaît ici l'intervention d'aucun raisonnement, il devrait nous expliquer par quelle espèce d'opération intellectuelle il passe de la constatation pure et simple d'un ordre réel quelconque à l'affirmation de l'action, de la vie, de la pensée, de l'amour nécessaires. Et il n'est point impossible que nous nous trouvions alors devant une conception, très analogue à l'argument a priori de l'existence de Dieu, ainsi que devant toute une idéologie très originale, très personnelle, très élevée peut-être et très métaphysique, mais probablement aussi très discutable.

En réalité, il me semble que les jugements synthétiques et analytiques, convenablement définis, embrassent tous les jugements possibles. Les termes « a priori » et « a posteriori », causes de tant de confusion, devraient être rigoureusement réservés pour désigner les espèces du raisonnement. Les propositions du Dr O'Mahony sont synthétiques, et, dans l'ordre réel, sont nécessaires. A part la première: un être existe, qui est donné par l'expérience immédiate et pose l'ordre réel, toutes les autres sont des conclusions nécessaires de raisonnements très simples, très spontanés et naturels à nos esprits, absolument apodictiques, mais « a posteriori ».

(The Irish Ecclesiastical Record, march 1898.)

Fr. M.-P. DE MUNNYNCK.

COMPTES RENDUS

A. POULAIN, S. J. : Les desiderata de la mystique.

L'imperfection de la mystique au point de vue de la clarté, de la méthode, de l'allure scientifique en un mot, n'est que trop manifeste. Des traités nombreux, et de sérieuse valeur à différents titres, ont été publiés, afin de fournir un fil conducteur dans le dédale des opérations de l'EspritSaint dans les âmes choisies. Mais la diversité des classifications proposées, le vague des définitions émises démontrent à l'évidence que la période des tâtonnements dure encore, et que jusqu'à nos jours la << Psychologie divine » a été revêche à toute systématisation. C'est donc une bonne fortune de rencontrer un homme, habitué par ses études mathématiques à une précision idéale, et familiarisé par de longues recherches avec tous les écrits des grands mystiques, voulant bien nous préciser les points les plus défectueux, les questions que tout lecteur attentif se pose d'une manière vague après l'examen d'un traité sur la matière. Le P. Poulain fait mieux que cela: il résout les questions et remplit les lacunes, d'une manière sommaire il est vrai, mais toujours satisfaisante.

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L'idenitté de l'oraison affective et de la contemplation ordinaire est établie d'une manière péremptoire. Le caractère commun de tous les états surnaturels, qui les différencie de la voie ordinaire et active, n'est autre chose que la présence de Dieu, non pas crue ou connue, mais sentie. Cette thèse est prouvée par une surabondance de témoignages qui démontre à la fois l'érudition de l'auteur et la solidité de sa doctrine. J'aime encore beaucoup le plaidoyer du P. Poulain en faveur de la classification, simple et rationnelle », que sainte Thérèse donne pour les états surnaturels dans le « Château intérieur ». Bref, dès la première lecture de ce substantiel travail, on ressent l'impression que provoquerait une lumière, jaillissant tout à coup dans les ténèbres et nous indiquant avec certitude un chemin que nous cherchions en tâtonnant. Un auteur moderne compare le domaine de la mystique aux banquises et aux longues nuits des régions polaires (1); les études du P. Poulain, comme une douce aurore boréale, me semblent iriser les glaçons et illuminer les ténèbres. Aussi, bien que depuis une trentaine d'années, neuf traités de théologie mystique aient vu le jour, il y a toujours une large place pour un dixième celui du P. Poulain. Espérons, pour le bien des âmes, qu'il ne se fera pas trop attendre.

Fr. M. P. DE MUNNYNCK.

ADRIEN LAUNAY: Histoire des missions de l'Inde
(Téqui, 29, rue de Tournon, 1898).

C'est un ouvrage considérable que nous signalons au lecteur. Cet épisode détaché de l'Histoire générale de la Société des Missions étrangères se poursuit durant quatre gros volumes admirablement ordonnés et accompagnés d'un fascicule contenant les cartes ecclésiastiques des deux diocèses de Pondichéry et de Mysore et les gravures représentant les évêques, les églises et chapelles, les types de la contrée, etc. Ce n'est pas sans émotion qu'un frère prêcheur voit figurer comme fondateurs de la mission de Maïssour, en plein centre de l'Inde, des missionnaires dominicains (p. XLVIII). C'est en 1325, c'est-à-dire à une époque où le passage du cap de Bonne-Espérance n'est pas encore découvert par Vasco de Gama, que l'on constate la présence des fils de saint Dominique dans cette région alors inconnue du reste du monde.

(1) RUYSBROECK : L'Ornement des noces spirituelles. Traduction de M. Maeterlinck. Introduction.

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