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licisme, c'est à l'ombre des autels que se réfugiera plus d'un cœur ingénu que le monde effraye, plus d'un cœur malade que la vie a blessé. Fermer ces asiles de paix me semble une cruauté que rien n'excuse, une atteinte à la liberté que rien ne justifie. Non pas que j'aie un faible pour les couvents. Selon moi, il y a moins de courage à s'enfermer dans un cloître qu'à vivre dans la foule, quand on n'en partage plus ni les joies ni les illusions; c'est encore servir les hommes que de leur donner l'exemple de la patience, de la résignation, de la douceur. Mais si une nouvelle Thérèse veut passer ses nuits aux pieds d'un crucifix, pour y adorer le Sauveur, si une nouvelle La Vallière ne peut retrouver la paix que derrière des grilles et des verrous, de quel droit la société peut-elle s'y opposer? La piété est-elle un crime, pour que la loi empêche le chrétien de régler sa vie comme il l'entend? Et quand le vice a libre carrière, à la seule condition de ne point troubler l'ordre public, peut-on empêcher des âmes innocentes de se réunir autour d'un autel?

Au nom de la liberté, j'accepte donc les couvents. Pour moi, la difficulté ne commence que le jour où l'Ordre constitué, et disposant de ressources plus ou moins considérables, provoque des vocations douteuses, en offrant aux fidèles une vie peu aisée sans doute, mais tranquille et assurée. C'est ici que l'État a droit d'intervenir, non pas pour imposer des conditions religieuses, mais pour se défendre contre les abus possibles de l'association. C'est son droit de ne pas reconnaître des vœux qui n'engagent que la conscience du fidèle, c'est

son droit de restreindre la mainmorte dans les limites qu'il juge nécessaires, c'est son droit de veiller à ce qu'on ne dépouille point les familles au profit d'une corporation. La convoitise est le vice ordinaire des communautés; on a d'autant moins de scrupules qu'on croit agir pour le compte de Dieu. En tout ceci l'État est dans son rôle; ce n'est pas la religion qu'il attaque, c'est la liberté individuelle, c'est la famille qu'il défend.

C'est ainsi que tout nous ramène au même point, marque certaine qu'il y a ici une loi essentielle, et qui répond à un besoin nécessaire des sociétés humaines. Soit qu'on étudie le passé, soit qu'on envisage l'avenir, on en revient toujours à cette distinction de la religion et de la souveraineté que M. de Montalembert a méconnue. En toutes choses il donne le dernier mot à l'Église ; pour nous, en tout ce qui n'est pas de la conscience, nous donnons le dernier mot à la société.

M. de Montalembert me pardonnera ces critiques; il n'est pas un homme ordinaire, ses opinions portent coup et sont destinées à durer; mais il n'en veut le succès que si elles sont vraies; c'est donc un devoir que de lui opposer mes objections. Ces objections, qui s'adressent surtout aux idées générales de l'Introduction, n'empêchent pas que je considère les Moines d'Occident comme un beau livre, tout inspiré d'un souffle chrétien.

Si indifférent que soit le lecteur, il ne fermera pas ces deux volumes sans ressentir ce frisson dans le cœur dont parle Montaigne. Il est impossible qu'il ne

soit pas ému par la science profonde et la parole éloquente de l'auteur; il est impossible que le respect et la sympathie ne le rapprochent pas de celui qui défend avec tant de foi et de talent ce qu'il y a eu de grand et de saint dans le passé.

Décembre 1860.

PHILIPPE II'.

L'Histoire de la Fondation de la République des Provinces-Unies, publiée à Boston par M. Lothrop-Motley, a été accueillie avec faveur dans tous les pays de langue anglaise; c'est une heureuse pensée que de l'avoir traduite en français. Quand on nous parle de liberté, nous sommes habitués à tourner les yeux vers l'Angleterre ; c'est là que nous cherchons des exemples et des précédents. Mais avant que nos voisins eussent traversé les rudes épreuves d'où est sortie leur indépendance, les Pays-Bas, vainqueurs de la tyrannie, avaient constitué le gouvernement le plus sage et le plus florissant de l'Europe. En un temps où les bûchers étaient populaires, Guillaume le Taciturne avait reconnu les droits de la conscience, et quand en 1688 le prince d'Orange vint à Londres pour y terminer la révolution, sa force était moins dans l'armée qui le suivait que dans les principes et les idées qu'il avait reçus en héritage de

1. Histoire de la Fondation de la République des Provinces - Unies, par J. Lothrop-Motley, traduction nouvelle, précédée d'une Introduction par M. Guizot. Tome I. Paris, 1859, in-8°.

son grand aïeul. Au seizième comme au dix-septième siècle, la Hollande a été la terre promise de la liberté. C'est là que trouvaient un abri les juifs échappés à la rage de Philippe II, c'est là que cherchaient leur premier refuge ces puritains anglais qui devaient fonder un empire au delà des mers; c'est là que, chassés par Louis XIV, Saurin, Claude et leurs amis défendaient dans l'exil leur foi proscrite et outragée. Pour philosopher sans crainte de la Sorbonne, Descartes se retirait à La Haye; Spinosa y fuyait les colères de la synagogue; Bayle installait à Rotterdam la critique indépendante, véritable puissance des temps modernes. La liberté de conscience, la liberté d'écrire, la liberté politique, la liberté de commerce ont eu leur berceau en Hollande; remettre en lumière ces glorieuses origines, c'est payer la dette de la reconnaissance, c'est aussi donner à notre siècle une leçon dont il a besoin. Quand nous regardons l'Angleterre, sa grandeur présente nous fait illusion, nous oublions ce que cette grandeur lui a coûté. Dans cette fortune qui nous étonne, nous voyons volontiers un miracle du hasard; notre lâcheté trouve son compte en cette admiration qui n'engage à rien. Avec la Hollande il n'est pas permis de se tromper aussi aisément. Si ce petit pays a échappé aux terribles étreintes de Philippe II, si ce peuple de marchands a triomphé dans une guerre où toutes les chances étaient contre lui, il est trop visible que c'est à lui-même, après Dieu, qu'il doit son succès. S'il a contraint l'Espagne à reculer, c'est que durant quarante années il a combattu avec la foi et le courage des martyrs. L'exemple des

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