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COMTE ALFRED BOULAY DE LA MEURTHE APRIL, 1927

PRÉLIMINAIRE.

Grâce aux événements et aux vives appréhensions des peuples, il n'est plus permis aujourd'hui de nier les immenses dangers que court la société en Europe et particulièrement en France. La corruption des mœurs, l'immoralité presque universelle des petits et des grands; l'ignorance et le mépris des croyances religieuses; l'absence de toute bonne foi, de toute loyauté, de toute probité; la haine de l'autorité, l'impuissance du pouvoir, son existence précaire et incertaine, l'abaissement malheureusement trop mérité de toute supériorité, de toute grandeur, de toute majesté ; le délire des esprits, l'abjection des cœurs, l'anarchie des opinions, les complots, les conspirations, la révolte contre les lois divines et humaines, et les espérances terribles de ces hommes qui convoitent la puissance pour assouvir leurs passions et assurer leurs vengeances, sont des maux qui justifient trop les angoisses des hommes calmes et clairvoyants, des prudents et des sages, de tous ceux, en un mot, qui redoutent les bouleversements, les désastres et les ruines dont nous sommes menacés.

Et ces dangers que tous aperçoivent, que fait-on pour les conjurer? Tout, excepté ce qu'il faut faire. Malgré l'évidence du mal, qui réside incontestablement dans les mœurs, et dans les élévations ou les usurpations du pouvoir temporel, on s'obstine à le placer ailleurs. De là l'insuffisance, l'inutilité, le ridicule même du remède. Hélas! il y a tant de coupables! Il y a tant de ces hommes qui ont contribué directement ou indirectement à amener la triste situation où nous sommes ; qui ont prétendu que des formes politiques suffisaient pour donner à un peuple l'ordre, la stabilité, la moralité, la liberté et le bien-être, et qui ont été si cruellement démentis par les faits, qu'il n'est pas étonnant qu'ils persistent dans leurs préteutions erronées, et que, luttant contre les faits et l'expérience, ils continuent à vouloir réaliser ce que des épreuves décisives ont déclaré irréalisable.

Nous u'accusons point leur bonne foi; nous accusons seulement leur jugement ou leur faiblesse. Il est si difticile de sortir de l'erreur, quand une fois on s'y est engagé, ou, si l'on en sort, de reconnaître, d'avouer que l'on s'est trompé ! Il faut du courage pour affronter, pour mettre sous ses pieds ce faux honneur qui fait consister la gloire des hommes politiques à ne jamais varier dans leurs opinions, à soutenir au déclin de leur vie ce qu'ils ont avancé au début de leur carrière, comme si l'homme naissait complet, que l'âge et les circonstances ne pussent rien lui apprendre, et qu'il ne fût pas exposé à errer. Ce courage, malheureusement, n'est le privilége que des âmes grandes et généreuses, des cœurs droits et des nobles caractères, et l'on sait combien ces âmes, ces cœurs, ces caractères sont rares!

Et pourtant, quand il est irrévocablement démontré par les événements de chaque jour que l'issue des voies

que l'on suit est l'abîme; quand il s'agit de sortir de ces voies fatales et d'épargner à une grande nation des maux incalculables; quand le salut de la France est en jeu, on devrait, il nous semble, savoir faire le sacrifice d'une vanité puérile, triste prérogative des esprits étroits, et reconnaître franchement que l'on s'est trompé, que l'on a tenté l'impossible. Quand on aime véritablement son pays; quand on est sincère dans ces protestations de dévouement absolu au bien général que nous avons entendues tant de fois dans la bouche de tous nos hommés politiques sans exception, ces sacrifices he coûtent guère.

Mais, hélas! où sont, où trouver de nos jours des hom. mes sincères, des hommes véritablement dévoués au bien public, et dont on puisse attendre les sacrifices que nous indiquons, si légers soient-ils? L'intérêt et l'orgueil ne sont-ils pas devenus exclusivement les mobiles de la plupart des actions humaines; et ne peut-on pas dire aujourd'hui de presque tous nos hommes politiques influents ce que le prophète disait des chefs du peuple de Dieu: Principes tui infideles, socii furum : omnes diligunt munera, sequuntur retributiones (1)!

Néanmoins, c'est dans l'espoir d'amener un grand nombre de ceux qui sont dans l'erreur à en sentir et à rendre courageusement témoignage à la vérité, que nous entreprenons cet opuscule. Ceux qui désespèrent absolument du salut de la société en France, trouveront notre tentative inutile ou téméraire. Pour nous, sans être trop rassuré sur l'avenir de notre pays; sans nous faire illusion sur les immenses difficultés qui restent à surmonter et qui s'opposent au retour sincère de tant d'esprits égarés, nous

(1) Is,, 1, 23.

croyons qu'il est temps encore d'ouvrir les yeux; qu'un peuple, tant qu'il n'est pas tombé aux dernières profondeurs de l'abime, peut toujours, s'il le veut, réparer ses fautes; que les circonstances, d'ailleurs, sont extrêmement favorables au retour des intelligences à la véritable lumière, et, qu'au reste, dussions-nous ne produire aucun effet, n'obtenir aucun succès, nous aurions encore le mérite, ce qui suffit à l'homme de bien, d'avoir fait une bonne action.

Tout le monde, comme nous l'avons dit en commençant, croit à des dangers sérieux; et l'anxiété très visible de nos hommes politiques prouve qu'ils ne sont pas moins soucieux que le vulgaire sur l'avenir de la France. Les mille complications qui viennent empirer une situation assez mauvaise et assez embarrassante par ellemême, font qu'en réalité ils ne savent plus trop que faire pour en sortir, et que, tout en proposant des moyens de salut, ils peuvent pourtant s'écrier comme autrefois les enfants d'Israël qui s'étaient éloignés de Dieu : Propter hoc elongatum est judicium a nobis, et non apprehendet nos justitia: expectavimus luccm, et ecce tenebræ, splendorem, et in tenebris ambulavimus.

Palpavimus sicut cæci parietem, et quasi absque oculis attrectavimus: impegimus meridie quasi in tenebris in caliginosis quasi mortui.

Rugiemus quasi ursi omnes, et quasi columbæ meditantes gememus, expectavimus judicium, et non est; salutem et elongata est a nobis (1).

(1) C'est pour cela que l'équité s'est éloignée de nous, et que la justice ne vient point jusqu'a nous. Nous attendions la lumière et nous voilà dans les ténèbres; nous espérions un grand jour et nous marchons dans une nuit sombre. Nous allons comme des aveugles le long des murailles; nous marchons à tâtons comme si nous

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