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Voilà bien où aboutit la sagesse de nos sages, cette science superbe et téméraire, qui prétendait trouver en elle-même les lumières et les forces suffisantes pour constituer et conserver l'édifice social, et se passer des secours de la divine Providence, à laquelle on désirait ne pas croire. Certes, ce crime était grand, et tous les malheurs qui sont venus fondre sur nous depuis cet excès d'orgueil en ont été le juste châtiment. Mais si du moins nous savions reconnaître nos fautes et profiter d'une expérience précieuse qui les rendrait impossibles dans l'avenir, tout pourrait être facilement réparé, et nous pourrions retrouver ces jours de calme et de paix que chacun désire et que personne n'ose espérer.

Malheureusement les événements, si pleins pourtant d'enseignements salutaires, sont tous frappés sous ce rapport d'une stérilité absolue: on dirait qu'il n'y a plus d'yeux pour voir, d'oreilles pour entendre, ni d'esprit pour comprendre. Voyez ! jamais à aucune autre époque l'homme de l'orgueil, qui met en lui toute sa confiance, n'a été frappé d'une manière plus terrible ni plus profondément humilié; jamais l'impuissance et le néant de l'homme n'ont été mis dans un plus grand jour; jamais l'action divine ne s'est manifestée d'une manière plus sensible, plus palpable, et cependant les cœurs demeurent dans le mème endurcissement, sous l'empire de la mème séduction, et les intelligences, dans le même égarement.

n'avions point d'yeux. Nous nous heurtons en plein midi comme si nous étions dans les ténèbres; nous nous trouvons dans l'obscurité comme les morts. Nous rugissons tous comme des ours; nous soupirons et nous gémissons comme des colombes; nous attendions un jugement juste, et il n'est point venu; nous espérions le salut, et le salut est loin de nous. Is., LIX, 9, 10, 11.

Quels moyens propose-t-on, de tous côtés, pour parer aux dangers de la situation? Ceux précisément qui ont amené les maux dont nous souffrons, qui ont creusé les abîmes dont nous sommes épouvantés. A l'aide de quelles erreurs, de quelles utopies, de quels blasphèmes at-on conduit la France, constamment abreuvée des larmes et du sang de ses enfants, sur la pente qui l'entraîne presque fatalement vers la barbarie? C'est au moyen des réformes politiques et des vaines et fallacieuses promesses qu'ont toujours faites les réformateurs, dupes tout les premiers peut-être de leurs folles illusions. Depuis que, par suite des efforts et des succès criminels des apôtres de la pauvre raison humaine, on a voulu se passer de Dieu, et fonder, en conséquence, comme nous le dirons plus loin, une société civile uniquement assise sur le pouvoir temporel et purgée de tout élément religieux, qu'at-on dit, affirmé, proclamé? On a dit, répété, proclamé sur tous les tons, à la tribune, dans les chaires des facultés, dans les journaux, dans les livres, dans les pamphlets, dans les clubs et sur les places publiques, qu'au moyen de telles institutions politiques tous les maux, toutes les souffrances, toutes les misères, toutes les iniquités, tous les dangers disparaîtraient de la société, désormais heureuse et prospère. Voyons! est-ce là, oui ou non, la panacée qu'ont offerte à tous leurs auditeurs, tant badauds que sérieux, tous nos charlatans, tous nos jongleurs, tous nos bâteleurs, tous nos roués politiques, sans en excepter le très petit nombre de nos politiques sincères et honnêtes, depuis que s'est ouverte l'ère terrible de nos révolutions? Personne ne le niera, et nous défions toute bouche et toute plume de nous démentir sur ce point.

Eh bien! toutes les périodes politiques ont déjà été

parcourues, sauf une qui est déjà ouverte, et hors de laquelle on ne sort point vivant, une fois qu'on s'y est engagé et qu'on a laissé refermer sur soi cette ceinture de fer, qui est le lacet où se prennent et se strangulent fatalement toutes les civilisations. Nous ne dirons rien des chefs-d'œuvre opérés par tous les essais, les tâtonnements et toutes les convulsions de notre première révolution. Nous avons, Dieu merci, assez des événements arrivés de nos jours pour choisir nos exemples et nos preuves. Nous avions, constitutionnellement parlant, sous la dynastie de juillet et aussi sous la Restauration, les plus belles institutions politiques que puisse imaginer la sagesse humaine. La France avait atteint le plus haut degré de prospérité matérielle que puisse ambitionner une grande nation. Mais il y avait encore des souffrances et surtout beaucoup de convoitises et de mécontentements au fond de cette société riche et superbe. Quel remède apporter à ces maux? Une réforme politique. Moyennant l'abaissement du cens électoral et l'adjonction des capacités, tout malaise, tout mécontentement, tout mal, même moral, devait disparaître. C'étaient les docteurs même de la science gouvernementale qui proclamaient ce mensonge. Ils se mirent en campagne, ils agitèrent la France, et promenèrent leurs banquets révolutionnaires de cité en cité; pour nous donner quoi? Beaucoup plus qu'ils ne demandaient: la république, hélas ! et le suffrage universel. Évidemment, si ce qu'ils demandaient devait bannir la corruption et la misère de notre société, ce qu'ils obtinrent devait la transformer miraculeusement, et faire de la France un nouvel Eden. Malheureusement il n'en fut rien; et, au lieu d'un paradis terrestre, nous eûmes quelques misérables parodies des saturnales de 93, la ruine complète du com.

merce et de l'industrie, l'appauvrissement de l'agriculture, une misère et des souffrances sans exemple, des barricades, des révoltes, des assassinats, en un mot, des cris, des blasphèmes, des pleurs et du sang. Ce résultat était une condamnation solennelle de leur fausse théorie, et la plus forte preuve qu'on ne remédie pas aux souffrances, à la corruption d'un peuple par les institutions politiques.

Et pourtant, malgré cet enseignement si hautement proclamé par les faits, c'est encore aux institutions, aux réformes politiques, à la religion du pouvoir temporel, aux voix qui nous ont conduits sur les bords de l'abîme, qu'on demande aujourd'hui le salut de cette société française, si cruellement éprouvée, et si terriblement menacée de cette longue et dernière convulsion où agonisent les peuples civilisés. Si la Constitution était révisée; si les pouvoirs du Président étaient prolongés, et, ce qui est sous-entendu, si le trône était relevé et la royauté ressuscitée, il n'y aurait plus rien à craindre, la France serait sauvée.

Voilà ce que l'on dit; et ce sont surtout ces hommes qui demandaient l'abaissement du cens électoral et l'acheminement au suffrage universel avant le 24 février, qui tiennent ce langage! C'est toujours dans un homme que tous mettent leurs espérances et cherchent leur salut! Eh bien! nous, nous leur disons: Lors même que votre Constitution serait révisée et les pouvoirs du Président prolongés; lors même que le trône serait relevé et la royauté rétablie, il n'y aurait pas une pierre de plus dans l'abîme qui menace d'engloutir notre ordre social, et rien ne serait changé dans la situation actuelle.

Considérez donc bien, vous qui demandez une prolongation de pouvoir présidentiel de trois années, que vous

avez eu un pouvoir bien autrement stable, une royauté révolutionnaire à vie, héréditaire; une royauté matériellement plus forte que toutes celles qui l'ont précédée, et que cette royauté s'est évanouie comme une ombre, est tombée sans avoir reçu une blessure, sans que personne ait porté la main sur elle pour la jeter à terre, sans même qu'il se soit trouvé un bras, un seul bras levé pour la soutenir, et que sa chute ignominieuse n'a été due qu'à ses propres défaillances, qu'à l'évanouissement sous lequel elle s'est affaissée. A quoi ont servi à cette royauté la Charte qui lui garantissait le pouvoir, et la volonté générale de la France de le lui conserver? Eh bien! à quoi servirait au pouvoir présidentiel ou même impérial ou royal, votre Constitution révisée ou une Charte nouvelle, si vous n'aviez que ce roseau, que cette feuille morte à opposer à l'anarchie?

Vous voyez bien qu'en France, comme dans tout pays catholique, si l'esprit révolutionnaire n'y a pas été maudit comme l'esprit de l'abîme, les chartes, les constitutions n'existent que sur le papier; vous voyez bien enfin que le mal n'étant pas à proprement parler dans nos institutions, mais dans leur principe et dans nos mœurs, ce n'est pas dans les réformes, dans les changements politiques qu'il faut chercher le remède, mais dans la restauration de l'ordre moral, dont l'extrême affaiblissement a causé tous nos malheurs, et toutes ces ténèbres profondes sans lesquelles ils n'auraient pas été possibles.

Certes, nous sommes loin de méconnaître l'avantage et la supériorité relative de certaines formes politiques; nous savons qu'il en est qui, par elles-mêmes, offrent plus que d'autres des garanties matérielles d'ordre, de calme et de stabilité; mais nous savons aussi que toutes appartiennent à cet ordre de choses contingentes, dont

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