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LORD BYRON.

CHAPITRE PREMIER.

INTRODUCTION.

La mort d'un homme de génie nous frappe de tristesse et nous cause une douloureuse surprise; on a peine à y croire. On s'effraie de cette fatale puissance du sort. Comment tant de facultés sontelles anéanties? Comment celui qui nous laisse des souvenirs immortels a-t-il pu mourir?

Le Poète est le roi de la nature entière, c'est à lui seul qu'elle dévoile tous ses charmes. La fraîche obscurité de ses ombrages, le frémissement de ses ruisseaux, le doux balancement des feuilles sont pour lui autant d'émotions: son âme les recueille, et quand l'hiver a caché le gazon sous la neige, il fait renaître le printemps, il nous ramène aux jours de joie et de soleil.

Lorsque le chagrin nous oppresse, c'est encore lui qui nous rappelle des instans plus heureux, qui nous fait sourire au milieu de nos pleurs; il est le maître de notre vie; le passé, l'avenir lui appartiennent, il colore le présent de son magique prestige. Ah! ses illusions valent mieux que nos tristes réalités! Que de fois, le sein gonflé de soupirs, le cœur palpitant de bonheur, n'ai-je pas rendu grâce au génie qui me donnait de nobles émotions: alors, une foule de pensées généreuses se pressaient au-dedans de moi, je me sentais grandir; je voulais aussi de la gloire, non de celle qui satisfait l'orgueil, mais cette puissante sympathie qui appelle à soi les belles âmes.

J'ai pour le génie un respect mêlé d'attendrissement; il m'ébranle jusqu'au fond du cœur. Je voudrais contempler un seul jour, au prix de dix ans de ma vie, un de ces êtres privilégiés; je ne rêve pas leur amitié, je ne veux que les voir et les entendre; je ne desire point attirer leur attention: il ne me reste plus le sentiment du moi; je suis pour le génie ce qu'un courtisan est pour le pouvoir; encore veut-il en tirer quelque chose, tandis que je ne veux qu'admirer. Jamais la mort ne me paraît si terrible que lorsqu'elle frappe ces demi-dieux.

Lord Byron n'est plus! ces tristes mots ont retenti autour de moi et je les ai à peine com

pris; une nation en deuil pleure sur lui! il est tombé ce colosse de gloire!

« Celui de qui la tête au ciel était voisine

« Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts. >>

Semblable au héros dont parle Moore, « il est « descendu dans la tombe au milieu des pleurs des a nations étonnées. » Il est mort au moment où il commençait à vivre; il sentait enfin le prix de l'existence, et l'existence lui échappe.

α

Doué d'un génie ardent, d'une âme exaltée, de sensations d'une effrayante énergie, lord Byron ne pouvait être compris de la foule, elle le froissait; elle l'accablait de sa médiocrité. Il avait un souverain mépris pour les intérêts du monde si puérils à ses yeux; il ne concevait l'activité que pour les grandes choses. La vie resserrée dans le cadre étroit des villes et des cours lui semblait un don inutile ou funeste; il fuyait tout ce qui rapetissait l'âme. Les passions, ces mobiles des plus belles actions comme des plus coupables égaremens, le transportaient aux cieux ou aux enfers. Dans son orgueil, les rois n'étaient pour lui que des Pygmées qui s'agitaient à ses pieds pour obtenir ou perdre des couronnes.

Personne n'a jugé Napoléon de plus haut; il s'indigne qu'un si puissant génie n'ait aspiré qu'à la terre; que de si grandes facultés n'aient été employées qu'à amasser de la poussière, puis

encore de la poussière! Si ces deux hommes eussent été contemporains de gloire, peut-être que la puissance du poète eût balancé celle du conquérant.

Le génie est la véritable force, celle devant laquelle toutes les autres s'abaissent; il mesure les monarques, les trônes, les peuples. Je ne sais si c'est un rêve, mais il me semble que Bonaparte eût voulu conquérir l'estime du seul homme qui fût à son niveau. Le dédain de lord Byron pour ses conquêtes lui en eût fait sentir le vide avant que le sort le lui eût dévoilé; il eût compris que la véritable gloire est d'élever les hommes, non de les avilir; au lieu d'offrir, comme un démon tentateur, de l'or à la cupidité, des bonneurs à l'orgueil, des couronnes à l'ambition, il pouvait développer les plus nobles facultés de la nature humaine, et lui donner pour récompense l'estime de la postérité. Il pouvait être le libérateur des peuples, il a mieux aimé les asservir.

On confond trop souvent l'ascendant magique qu'exerce sur notre esprit un pouvoir gigantesque, avec l'admiration qu'inspire la vertu; rien n'est cependant plus opposé. L'un naît d'une sorte de crainte et du sentiment de notre faiblesse; l'autre prend sa source dans la conscience de notre supériorité et de la dignité de notre âme; elle ne nous abat pas, bien au contraire, elle nous relève. Il y a des natures qui éprouvent le besoin de se faire

un Dieu terrible, devant lequel elles se prosternent et tremblent; mais il en est qui ne peuvent adorer qu'un Dieu juste et miséricordieux. C'est cette différence qui fait que Bonaparte a plus de partisans que Washington.

Napoléon fut un bien grand génie : il souleva des peuples; il créa des soldats avec une idée; il électrisa les hommes en leur promettant de la gloire; dès qu'il les utilisa pour lui il ne fut plus qu'un ambitieux égoïste. Il est toujours beau d'éveiller en nous l'enthousiasme et le dévoûment, nos deux plus nobles facultés, mais il est ingrat,

dirais presque ignoble, de les tourner au profit d'un seul, et d'en déshériter la masse. Napoléon employa des moyens immenses pour atteindre à un but mesquin, car dans ses conquêtes, comme dans ses institutions, il chercha toujours son intérêt personnel, et cet intérêt devait-il entrer en balance avec l'honneur de plusieurs millions. d'hommes? On ne peut marcher dans une fausse route sans s'égarer; aussi après avoir eu recours aux idées de gloire et d'indépendance nationale pour créer des armées, Bonaparte ne put cònsolider sa puissance qu'en faisant la part de la corruption.

Un parallèle entre Napoléon et Byron, peut sembler d'abord ridicule et disproportionné: cependant, ces deux grands hommes ont plus d'un point de rapprochement. Ce n'est pas sous le rap

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