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notre nature. Si le bonheur avait ses saints, ma vieille amie mériterait d'être comptée parmi eux.

Mais je demande pardon à mes lecteurs de cette longue digression. Je reviens à lord Byron dont l'amour des contrastes m'a trop éloigné.

CHAPITRE VII.

MANFRED.

ANALYSE DE CE DRAME. MORAL.

SON BUT

Le drame, ou plutôt le poème de Manfred, car lord Byron ne lui a donné la forme dramatique que pour être plus libre dans sa marche et dans son plan, est une des plus belles conceptions que je connaisse. Son ensemble a quelque chose de gigantesque. Au milieu des hautes montagnes de la Suisse, de ses glaciers hérissés de pics menacans, lord Byron a créé un être en harmonie avec cette nature agreste, tour-à-tour sublime et désolée. Mais ce qui doit frapper surtout dans cet ouvrage, c'est sa haute morale. Shakespeare avait personnifié le remords dans Macbeth; mais Macbeth est un être pusillanime, « d'un naturel trop plein d'humanité pour prendre le chemin le plus court. Il voudrait bien s'élever aux grandeurs, mais par des moyens innocens. Il ne veut pas trahir, et il voudrait recueillir le fruit de la trahison. >> Ces mots de lady Macbeth le peignent tout entier : « Noble Glamis, tu aspires à posséder un bien qui te crie: Voilà ce qu'il faut que tu fasses si tu veux

m'obtenir; et c'est cette action que tu crains de commettre, plus que tu ne desires qu'elle ne soit pas commise (*)». Un pareil homme devait être en proie à mille terreurs; cruel par faiblesse, il cherchait la sécurité dans de nouveaux crimes d'où renaissaient de nouveaux tourmens. Mais on n'avait point encore montré au monde un être puissant par son génie, par son âme intrépide, par une volonté inflexible, faisant plier devant lui jusqu'aux esprits immortels, commandant même à ses desirs, et ne pouvant échapper aux remords. Ni la richesse, ni les grandeurs, ni son art surnaturel ne peuvent le soustraire à cette redoutable puissance. C'est une grande et imposante leçon que ce profond désespoir au milieu de tous les biens de la vie. Manfred domine les hommes et lui-même; il ne relève que de son propre tribunal, et c'est là qu'il est condamné. Un crime pèse sur son âme, et tous les jugemens des hommes ne peuvent l'en absoudre. Jamais on n'a peint avec plus d'énergie et de vérité cette voix effrayante qui poursuit les grands coupables, et les force à faire justice d'eux-mêmes : Manfred cherche en vain à lui échapper.

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Thou'dst have, great Glamis,

That which cries, « This thou must do if thou have it:
And that's what rather thou dost fear to do,

Than wishest should be undone. >>

MACBETH, Acte 1er, scène VII.

La terre n'a plus rien qui le touche.

« L'arbre du savoir n'est point l'arbre de vie, s'écriet-il: « La philosophie et la science, les secrets merveilleux. et la sagesse du monde, j'ai essayé de tout; et dans mon âme il y a une puissance qui commande à ces mystères, mais tout a été vain. J'ai fait du bien aux hommes, et même parmi eux j'ai quelquefois rencontré la vertu, mais cela même était impuissant. J'ai eu mes ennemis, aucun ne m'a bravé, plusieurs sont tombés devant moi, mais tout a été inutile. Le bien, le mal, la vie, la puissance, toutes les passions que je vois dans les autres ont été pour moi comme la pluie que dévorent les sables, depuis cette heure

sans nom ».....

Il évoque les esprits immortels soumis à ses

The Tree of Knowledge is not that of Life.
Philosophy and science, and the springs
Of wonder, and the wisdom of the world,
I have essayed, and in my mind there is
A power to make these subject to itself-
But thy avail not: I have done men good,
And I have met with good even among men—
But this avail'd not: I have had my foes,
And none have baffled, many fallen before me---
But this avail'd not:-Good, or evil, life,
Powers, passions, all I see in other beings,
Have been to me as rain unto the sands,
Since that all-nameless hour.

ordres; ils apparaissent tour-à-tour sous la forme d'une étoile; rien n'est plus fantastique et plus poétique que leurs chants. Ils ont quelque chose de surnaturel et de grandiose qui rapetisse l'homme, et en fait un atome à peine visible dans l'immensité. Les esprits lui obéissent pourtant, mais avec dégoût. Forcé de leur apprendre ce qu'il desire, Manfred leur demande l'oubli de ce qui est en lui. Ce don est le seul qu'ils ne peuvent satisfaire; ils lui offrent des sujets, des couronnes, l'empire du monde entier. 11 ne veut que l'oubli. Ils s'éloignent. Manfred les

arrête :

<< Un instant avant de nous séparer, je voudrais vous voir face à face. J'entends vos voix douces et mélancoliques comme la musique sur les eaux. Je vois une étoile immobile, large et brillante; rien de plus. Approchez tels que vous êtes; un à un, ou tous ensemble, sous vos formes accoutumées.

MANFRED.

I would behold ye

One moment, ere we part-
face to face. I hear

Your voices, sweet and melancholy sounds,
As music on the waters; and I see

The steady aspect of a clear large star,
But nothing more. Approach me as ye are,
Or one, or all, in your accustom'd forms.

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