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réaction complète. En un mot l'émotion consiste essentiellement en une dépression survenant plus ou moins rapidement à la suite d'une circonstance à laquelle l'individu n'a pas réussi à s'adapter.

Nous avons quelque peine à comprendre ce phénomène car d'ordinaire la dépression est déterminée par un épuisement à la suite d'une dépense excessive. Or il nous semble que dans ce cas le sujet n'a pas eu le temps de s'épuiser par l'action car l'émotion survenant dès la perception des circonstances difficiles a empêché l'action elle-même. Comment peut-on parler ici d'une action excessive puisque le sujet n'a pas agi et où peut-on voir avant l'émotion une dépense excessive de forces?

Distinguons d'abord ces épuisements tardifs qui sont si fréquents dans les émotions: le sujet ne semble pas extrêmement troublé après l'événement, il reste des jours et des mois un peu triste et inquiet mais assez normal en apparence et après cette période que Charcot appelait autrefois la période de rumination il tombe dans une dépression grave qui manifeste un épuisement considérable. C'est que pendant cette période d'incubation il a continué sans pouvoir s'arrêter des efforts d'adaptation à une situation mal liquidée et qu'il s'est épuisé dans un travail interminable et inutile1.

Mais il y a aussi des épuisements rapides succédant presque immédiatement à la perception de la situation émotionnante. C'est que dans certains cas il y a dès ce moment de grandes dépenses de force. Précisément parce que la stimulation de la circonstance n'éveille pas une tendance bien organisée capable de réagir d'une manière adéquate qui liquide la situation, il y a éveil de nombreuses tendances élémentaires. fortement chargées. Dans ces circonstances s'éveillent en effet l'instinct de la protection vitale, l'instinct de la fuite ou du combat, les tendances sexuelles, les tendances à défendre sa famille, sa fortune, ou simplement ces tendances puissantes chez l'homme en société à défendre sa propre réputation, sa valeur sociale en danger, tendances qui jouent un si grand rôle dans la crise d'intimidation. Il y a même des tendances moins précises, des tendances primitives au mouvement incoordonné qui ont simplement pour rôle de mobiliser une grande quantité de forces toutes les fois que la stimulation ne rencontre pas une tendance bien organisée et suffisante pour la réaction, c'est la tendance à chercher une issue à tout prix. Toutes ces tendances élémentaires ont un caractère commun: c'est d'être fortement chargées et de mobiliser de grandes forces.

Ces forces devraient être arrêtées dans leur mobilisation excessive, 1 Les médications psychologiques, 1920, п. pp. 268–276.

utilisées, canalisées et même remises en réserve par l'éveil simultané de tendances supérieures. Un des caractères des tendances supérieures sur lequel nous revenons sans cesse c'est d'utiliser sous une forme particulière de grandes forces, de les transformer, de les mettre en réserve sous forme de croyances et de résolutions contenant de nouveau une forte charge latente. Elles peuvent donc arrêter, drainer les forces mobilisées et réduire leur dépense.

Il peut y avoir disproportion entre les forces mobilisées des tendances inférieures et celles des tendances supérieures éveillées en même temps. Cela peut arriver quand le danger réel ou imaginaire est vraiment considérable. Cela arrive aussi quand le sujet présente à la suite d'habitudes antérieurement acquises une disposition à grossir le danger, à se défier de lui-même, à considérer toujours ses propres réactions comme insuffisantes, à se préparer toujours à un effort énorme. Un commerçant avisé qu'il aurait le lendemain une traite à payer vend des valeurs et mobilise une somme de 20,000 francs, le lendemain la traite à payer était de 10 francs. Des dispositions de ce genre sont des facteurs importants de l'émotivité. Mais une seconde condition est encore plus importante, c'est une faiblesse des tendances supérieures déjà réduites par un abaissement préalable de la tension psychologique. C'est la dépression préexistante qui prépare l'émotivité et qui bien entendu est augmentée encore par l'émotion nouvelle de telle manière que les troubles nerveux et mentaux de la dépression se précipitent en boule de neige. Dans des cas de ce genre l'équilibre ne peut pas s'établir et il y a dès le début de l'émotion une dépense excessive de forces qui s'écoulent comme par une fuite.

Ces forces trop considérables viennent inonder les centres inférieurs et même les centres du système sympathique et déterminent ces dérivations, ces agitations viscérales qui ont joué un rôle considérable dans certaines "théories viscérales de l'émotion" mais qui doivent être considérées aujourd'hui comme secondaires. Ces agitations ne doivent pas faire oublier l'épuisement qui les accompagne et qui est augmenté par elles. Nous ne pouvons insister maintenant sur les mécanismes variés de cette dépense excessive dans l'émotion ni sur toutes les observations que l'on pourrait rappeler à ce propos. Nous ne devons retenir qu'une seule conclusion utile, c'est qu'au point de vue médical l'émotion se présente comme une forme particulière des dépressions par épuisement.

Pour comprendre la vie de l'esprit il faut reconnaître que la dépression

et l'abaissement de la tension ne constituent pas les seuls changements que présente la conduite des hommes. Il faut faire aussi une place importante au phénomène inverse de l'excitation. Celle-ci consiste essentiellement en une élévation rapide de la tension psychologique au-dessus du niveau où elle était restée pendant un certain temps.

L'excitation ainsi entendue comporte des phénomènes essentiels inverses de ceux qui ont été observés dans la dépression, c'est-à-dire des phénomènes d'adaptation et de calme. Les tendances plus élevées qui précédemment ne pouvaient s'activer parviennent facilement à l'acte complet et même se précisent et se développent. C'est à ce moment que se fondent les souvenirs nouveaux et les habitudes nouvelles qui deviennent le point de départ de nouvelles tendances. En même temps les dérivations précédentes disparaissent et les actions même compliquées et rapides sont faites avec calme sans être accompagnées d'autres conduites exagérées et inutiles.

Nous avons insisté sur la psychologie de la dépression et nous ne pouvons étudier en détail les sentiments caractéristiques de plaisir, de joie, d'intérêt, de confiance, d'indépendance qui accompagnent l'excitation. Il nous suffit de rappeler que ce phénomène de l'excitation est aussi réel et important que le premier et qu'il détermine un grand nombre de symptômes que l'on observe au cours des névroses.

Les conditions qui semblent déterminer l'excitation sont moins connues et moins bien analysées que celles de la dépression. Nous savons que certains états physiologiques, que l'ingestion de certains poisons comme l'alcool, l'opium jouent un grand rôle, mais nous devons constater également que la grande cause de l'excitation se trouve dans les actions humaines comme la grande cause de la dépression. Les alimentations, les marches, les batailles, les actes sexuels, les dangers, les aventures de toute espèce ont été dans une foule de cas le point de départ d'excitations remarquables. C'est d'ailleurs ce qui est mis en évidence par certaines impulsions que l'on observe fréquemment chez les névropathes. Il est impossible de comprendre l'alcoolisme, la morphinomanie, la dromomanie, l'érotomanie si l'on continue à répéter que le malade délire complètement quand il réclame son poison ou son amour. Les actes des impulsifs ne deviennent absurdes que par la manière dont ils sont exécutés, mais ils ont un point de départ absolument juste, c'est que ces actions en déterminant de l'excitation peuvent dans certains cas modifier d'une manière favorable toutes les activités1.

1 Les médications psychologiques, III. p. 195.

Ainsi toute action peut avoir deux effets différents: elle est d'un côté coûteuse et épuisante et de l'autre elle enrichit et elle excite. Même au cours de la vie normale nous avons appris à utiliser volontairement ces changements de force et de tension déterminés par l'action. Quand nous nous reposons, quand nous nous détendons au milieu d'amis, quand nous nous endormons nous baissons la tension; au contraire, quand nous commençons un acte, quand nous sommes en public, quand nous nous préparons à la lutte ou simplement quand nous nous réveillons nous nous tendons davantage. Bien des thérapeutiques dont les anciennes métallothérapies, les aesthésiogénies, les traitements par le travail ou par l'enthousiasme sont les types sont fondées sur l'utilisation de ces phénomènes.

Si nous nous rendons compte de l'importance de ces deux phénomènes opposés de la dépression et de l'excitation nous pouvons comprendre beaucoup mieux la vie de l'esprit, les oscillations de la conduite. La conduite des hommes semble bien compliquée et difficile à prévoir et cela paraît être en opposition avec la science psychologique des tendances. Si nous connaissons les tendances qui existent dans un individu et les circonstances qui agissent sur lui nous devons pouvoir prédire exactement ses réactions et cependant la conduite paraît imprévisible. Sans parler ici du rôle joué par les inventions et les progrès la grande difficulté de la prévision dépend de ce fait trop méconnu c'est que l'homme change sans cesse, c'est qu'à deux moments différents il ne présente pas le même mécanisme ni les mêmes tendances. Tantôt il n'a que des tendances inférieures qui fonctionnent suivant leurs lois, tantôt il est capable d'actions d'un niveau plus élevé qui ont d'autres lois. Ce changement peut se produire rapidement et à tout instant: il y a des oscillations rapides, de véritables crises de psycholepsie; il y a aussi des changements lents dans lesquels l'esprit descend ou monte graduellement. Certaines de ces oscillations sont courtes et l'esprit ne reste qu'un moment en haut ou en bas, d'autres sont lentes et donnent l'illusion de la stabilité. Voilà quelque chose qui complique singulièrement les prédictions de notre courte science et qui nous explique la complexité de la vie.

Beaucoup de faits importants de la vie normale et de la vie pathologique restaient confinés dans les romans et dans les écrits littéraires; la considération des degrés de la tension psychologique et des oscillations de l'esprit permettra peut-être de leur donner une place dans une psychologie plus vivante. C'est pourquoi j'ai essayé dans un tableau évidemment trop raccourci de vous donner le sentiment de ce que pourrait être une psychologie de ce genre à la fois objective et dynamique. Dans un pays

où les études sur l'évolution se sont si brillamment développées, où l'on essaye aujourd'hui d'appliquer les idées profondes de Hughlings Jackson sur l'évolution et la dissolution du système nerveux à l'interprétation de bien des faits pathologiques, j'espère que ces réflexions générales seront accueillies avec indulgence et je vous remercie encore de l'occasion qui m'a été donnée de les exprimer devant vous.

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