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THE BRITISH

JOURNAL OF PSYCHOLOGY

MEDICAL SECTION

LA TENSION PSYCHOLOGIQUE, SES DEGRÉS, SES OSCILLATIONS1.

PAR PIERRE JANET.

LA FORCE ET LA TENSION PSYCHOLOGIQUE2

I.

Je suis heureux que le Conseil Académique ait fait choix d'une étude psychologique pour cet enseignement commun. La psychologie est une science qui a toujours été honorée dans la Grande Bretagne : les philosophes Ecossais, les philosophes Anglais et aussi les romanciers Anglais nous ont bien souvent montré le chemin dans l'analyse de l'esprit humain. Les médecins psychiatres Anglais ont fait faire bien des progrès à la science de l'aliénation et nous comptons parmi eux des maîtres que nous aimons. Je me rappelle toujours avec émotion que lors d'un de mes premiers voyages à Londres dans ma jeunesse j'ai eu l'honneur et le plaisir d'être reçu en qualité d'hôte dans la maison du vénérable Dr Hack Tuke, le descendant de William Tuke, fondateur de la Retraite d'York. Son livre célèbre, Influence of the Mind upon the Body, avait été l'objet de mes premières études et j'étais heureux de trouver un accueil aussi aimable auprès d'un de mes maîtres. La psychologie est aujourd'hui plus importante que jamais et, on l'a dit bien souvent, le vingtième siècle sera le siècle des sciences de l'esprit. Que de problèmes sociaux, pédagogiques, judiciaires, médicaux ne trouveront leur solution que dans une psychologie vraiment scientifique et pratique!

Mais cette étude si importante se développe très difficilement, car son objet très complexe, mal défini, semble très différent de celui des

1 Three lectures delivered before the University of London.

2 First lecture delivered May 11th, 1920.

J. of Psych. (Med. Sect.) I

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autres sciences. Dans les nombreuses tentatives que j'ai dû faire pour rapprocher les études médicales des études psychologiques, pour enseigner à des médecins quelques notions psychologiques j'ai été amené peu à peu à me placer à un point de vue particulier qui me semble présenter quelques avantages. Permettez-moi de vous indiquer ce point de vue en expliquant sommairement dans ces trois leçons l'importance des notions de force et de tension dans l'interprétation des conduites humaines et en vous montrant la simplification que ces notions apportent dans la description des phénomènes normaux et des phénomènes pathologiques.

Les médecins sentaient depuis longtemps la nécessité d'une science psychologique, mais ils ne trouvaient pas dans la psychologie des philosophes le guide dont ils avaient besoin. Les philosophes à la suite de Descartes mettaient au premier plan le phénomène de la pensée intérieure et considéraient les actions, les mouvements du corps comme des conséquences secondaires de la pensée. Le médecin est habitué à regarder en dehors de lui son malade comme un objet que l'on voit et que l'on entend, il met au premier plan des caractères qu'il observe extérieurement et il ne sait comment mettre en rapport avec ses autres études des phénomènes purement internes conçus d'une façon toute différente. Il a bien essayé de construire une science psychologique sur le modèle de la physiologie qu'il connaissait et de mêler à la description des pensées le dessin des fibres et des cellules nerveuses. De belles études de psychophysiologie ont été faites et je n'ai pas à vous parler ici de la belle expérience de M. Head qui étudiait sur sa propre sensibilité les effets de la section d'un nerf sensitif. Mais ces études de psycho-physiologie qui ne sont nettement ni de la psychologie ni de la physiologie ne portent que sur un petit nombre de phénomènes très élémentaires, sur des sensations. considérées comme très simples et laissent de côté l'essentiel de la vie psychologique; elles ne peuvent guère expliquer les troubles de l'esprit, les crimes ou les délires.

Sans critiquer le moins du monde la psychologie introspective qui reste peut-être la plus vraie au point de vue métaphysique, il faut avoir le courage de nous faire une psychologie à notre usage, pour nous qui avons besoin de nous préoccuper des nécessités de la pratique. Il nous faut considérer la psychologie d'une manière vraiment objective et pour cela changer le point de vue auquel on se place d'ordinaire. Pour le médecin, comme pour le naturaliste, le véritable objet de la psychologie c'est le phénomène extérieur qu'il voit chez ses malades, qu'il saisit par les sens exactement comme le physicien et le chimiste. Pour lui la

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psychologie est la description et la classification des conduites humaines, des comportements de l'homme dans les différentes circonstances où il est placé et la pensée n'est qu'une de ces conduites, une attitude, un langage analogue à ceux que nous voyons au dehors, mais que ses proportions réduites nous dissimulent en partie. Le mouvement du corps. et le langage ne sont pas la conséquence de la pensée, ils en sont le point de départ. Admettre que le psychologue médecin, je ne parle pas du psychologue métaphysicien, n'a rien à chercher en dehors de ces conduites c'est à mon avis le seul moyen de rendre la psychologie accessible à des médecins et de la replacer dans le cadre des sciences naturelles.

Une psychologie de ce genre commence à se constituer dans les travaux de ceux qui étudient la psychologie animale. Mais cette étude se borne d'ordinaire à la description des comportements élémentaires de l'animal. Les médecins aliénistes qui bien avant les naturalistes avaient déjà commencé cette analyse de la conduite ont besoin de pousser plus loin la même étude et d'aborder au même point de vue des conduites plus élevées, ces conduites supérieures que l'on considère comme caractéristiques de la vie humaine. Une psychologie vraiment médicale devra donc présenter sous forme d'actions et de conduites les opérations les plus élevées de l'esprit humain. Cela semble aujourd'hui difficile et en apparence inintelligible. Je pense cependant que cette œuvre pourra être réalisée grâce à une étude plus pénétrante du langage et de son rôle dans les actions de l'homme: c'est dans cette direction que devra se développer la psychologie pratique dont nous avons besoin.

II.

Même en se plaçant à ce point de vue que le philosophe trouvera peut-être très restreint la psychologie a devant elle une tâche immense, car les conduites de l'homme sont innombrables et infiniment variées. Manger sa soupe aussi bien que fonder une famille, écrire un livre ou faire une conférence à l'Université de Londres, ce sont des conduites qui évidemment ne sont pas pareilles. Les morales, les littératures, les histoires signalent de telles masses de conduites que nous sommes débordés et que nous ne savons comment les aborder.

Les premiers psychologues, à l'exemple des philosophes du 18me siècle et des philosophes Ecossais, décrivaient ces actions en se plaçant à un point de vue que j'appellerai le point de vue de la qualité. Ils décrivaient autant d'actions différentes qu'il y a de mouvements différents: ils réunissaient les mouvements qui se ressemblent soit par leur point de départ soit par les organes qui interviennent, tous les actes d'alimenta

tion ou tous les actes où intervient le langage. C'est une classification nécessaire sans doute mais encore bien confuse.

Une notion que les médecins commencent à introduire dans la description des actes de leurs malades est la notion de force. Les philosophes convaincus que la pensée n'a pas de force et qu'elle plane audessus ont peut-être un peu trop négligé cette notion dans leur description de l'esprit. On trouve bien dans la psychologie de Spencer des remarques fort justes sur les actions qui mettent en jeu de gros muscles et celles qui sont constituées par le mouvement de petits muscles. Il explique par cette différence la prédominance des expressions dans les muscles de la face. Bien des philosophes ont insisté sur l'économie des forces qui résulte des opérations intellectuelles et ont considéré la science comme un procédé d'économie. Ces observations sont importantes mais sont bien disséminées et l'étude de la force des actes ne me semble pas avoir dans la psychologie la place qu'elle mérite.

Les observations de la psychologie pathologique nous obligent à donner beaucoup plus d'importance à la notion de la force dans les diverses conduites. Un grand nombre de troubles paraissent consister dans un affaiblissement de tel ou tel groupe de mouvements, par conséquent dans l'affaiblissement d'une fonction psychologique. C'est là le problème des diverses asthénies localisées. On connaît des épuisements de la sensibilité dont les plus intéressants sont les fatigues visuelles, les asthénopies, des affaiblissements permanents ou passagers des fonctions alimentaires, des fonctions sexuelles; les épuisements du langage, de l'attention, de l'émotion même sont très nombreux.

Plus intéressantes peut-être sont les faiblesses générales de toutes les fonctions psychologiques qui ont été si souvent décrites dans les études sur les neurasthénies, sur les diverses asthénies psychologiques. Sans doute dans ces états, comme j'ai essayé de le montrer à propos des psychasthéniques, il y a d'autres troubles que ceux de la simple faiblesse, mais il est important de constater et de distinguer les troubles de la conduite qui dépendent d'un affaiblissement.

La plupart des traitements des maladies nerveuses par le repos, par l'isolement dans des maisons de santé, par la dissociation des idées fixes et la liquidation des problèmes qui tourmentent l'esprit ne sont en réalité que des méthodes pour économiser les forces. "La plupart des névropathes sont des déprimés, des épuisés, leurs troubles mentaux tirent leur origine de cette faiblesse même. Si l'on me permet d'employer une comparaison empruntée au langage de la finance, toutes ces maladies ne sont au fond que diverses manières de faire faillite et de tomber dans

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