Ces puérilités, m'a-t-on dit, et d'autres du même genre, ont porté sa majesté maintenant à me faire arrêter. Glo. Oui, cela doit être ainsi, quand les hommes sont gouvernés par les femmes. Ce n'est pas le roi qui vous envoie à la Tour, c'est Milady Grey sa femme; c'est elle, Clarence, qui le pousse à cette extrémité. N'était-ce pas elle encore et ce digne homme de bien, Antony Woodeville, son frère, qui lui avaient fait enfermer lord Hastings à la Tour, d'où il sort aujourd'hui même ? Nous ne sommes pas en sûreté, Clarence, nous ne sommes pas en sûreté. Clar. Par le ciel! personne, je le pense, n'est ici en sûreté, excepté les parents de la reine et les messagers de nuit qui vont et viennent du roi à sa maîtresse, Jeanne Shore (1). N'avez-vous pas su à quelles humbles supplications lord Hastings est descendu pour obtenir sa délivrance? Glo. C'est aux humbles prières qu'il a adressées à cette divinité que mylord chambellan doit sa liberté (2). Vous le dirai-je? si nous voulons rester en faveur auprès du roi, nous n'avons pas, je pense, d'autre moyen que de nous mettre au nombre des gens de cette femme et de porter sa livrée : la surannée et jalouse veuve et cette Jeanne Shore, depuis que notre frère les a élevées au rang de nobles dames, sont de puissantes commères dans ce royaume. Brak. J'en demande pardon à vos grâces; mais sa majesté m'a donné l'ordre formel d'empêcher qu'aucun homme, quel que fût son rang, n'eût avec le prince son frère, un entretien particulier. Glo. Vraiment ! s'il plaît à votre seigneurie, Brakenbury, vous pouvez prendre part à notre conversation. Nous ne conspirons point, mon ami; nous disons au contraire que le roi est sage, bon, vertueux; que la reine est jeune encore, belle et nullement jalouse; que la femme de Shore a le pied mignon, des lèvres de rose, l'œil vif et agaçant, et le langage plus qu'enchanteur; enfin, que les parents de la reine sont de nobles seigneurs : qu'en dis-tu, Brakenbury? Tout cela n'est-il pas vrai ? (1) Clarence joue ici sur le mot mistress, qui veut dire également maîtresse et madame. (2) Humbly complaining to your highness, etc., était le préambule ordinaire des requêtes à la chancellerie. Shakspeare, qui dans sa jeunesse, avait appris chez un homme de loi les termes techniques de cette profession, les place quelquefois ainsi dans ses ouvrages. Brak. I beseech your grace to pardon me, and, withal, Forbear your conference with the noble duke. Clar. We know thy charge, Brakenbury, and will obey. And whatsoe'er you will employ me in, Clar. I know it pleaseth neither of us well. Mean time, have patience. Clar. I must perforce; farewell. (Exeunt Clarence, Brakenbury, and guard.) Glo. Go, tread the path that thou shalt ne'er return, If heaven will take the present at our hands. But who comes here? the new deliver'd Hastings? Hast. Good time of day unto my gracious lord! Hast. With patience, noble lord, as prisoners must: Glo. No doubt, no doubt; and so shall Clarence too; For they, that were your enemies, are his, And have prevail'd as much on him, as you. Hast. More pity, that the eagle should be mew'd, While kites and buzzards prey at liberty. Glo. What news abroad? Hast. No news so bad abroad, as this at home; - Brak.-Je supplie votre grâce de me pardonner et de rompre cet entretien avec le noble duc. Clar. Nous connaissons tes devoirs, Brakenbury, et nous obéirons. Glo.-Nous sommes les valets (1) de la reine, et nous devons obéir. Adieu, mon frère, je vais trouver le roi; et, quelque pénible commission que vous me donniez, fût-ce celle d'appeler du nom de sœur la veuve qu'a prise Édouard, je le ferai pour obtenir votre élargissement.—Cependant, ce cruel outrage fait au lien fraternel, me touche plus profondément que vous ne pouvez l'imaginer. Clar. Je sais qu'il ne plaît à aucun de nous. Glo.-Bien, votre emprisonnement durera peu. Je vous délivrerai ou bien j'irai prendre votre place. En attendant, prenez patience. Clar. Il le faut bien : adieu. (Clarence, Brakenbury et les gardes sortent.) Glo.-Va; suis le chemin par lequel tu ne repasseras plus, simple et candide Clarence! — Je t'aime au point qu'avant peu j'enverrai ton âme au ciel, si le ciel consent à recevoir ce présent de mes mains. Mais, qui s'approche ?... c'est Hastings qu'on vient de mettre en liberté. Hast. Glo. HASTINGS entre. Je souhaite le bonjour à mon gracieux lord. J'en souhaite autant à mon bon lord chambellan; soyez le bien-venu à respirer un air libre. Comment votre seigneurie a-t-elle enduré son emprisonnement? Hast.-Avec la résignation, noble lord, qui convient à des prisonniers. Mais, mylord, je vis dans l'espoir de faire mes remerciments à ceux qui furent les auteurs de ma captivité. Glo.- Sans doute, sans doute; Clarence vit dans le même espoir; car vos ennemis sont aussi les siens; ils l'ont emporté sur lui comme sur vous. Hast. C'est pitié que l'aigle soit mis en cage, tandis que les milans et les buses exercent leurs rapines en liberté. Glo. Quelles nouvelles du dehors? - Aucunes du dehors aussi fâcheuses que celles d'ici. Le roi est maladif, faible et triste; ses médecins craignent beaucoup pour lui. (1) Shakspeare joue ici sur les mots subjects et abjects : ce dernier n'a pas d'équivalent en français. Glo. Now, by Saint Paul, this news is bad indeed. Oh! he hath kept an evil diet long, And over-much consum'd his royal person; 'Tis very grievous to be thought upon. What, is he in his bed? Glo. Go you before, and I will follow you. (Exit Hastings.) He cannot live, I hope; and must not die, Till George be pack'd with posthorse up to heaven. Which done, God take king Edward to his mercy, For then I'll marry Warwick's youngest daughter: By marrying her, which I must reach unto. Clarence still breathes : Edward still lives and reigns; SCENE II. THE SAME. ANOTHER STREET. Enter the corpse of KING HENRY THE SIXTH, borne in an open coffin, Gentlemen bearing halberds to guard il; and Lady ANNE as mourner. Anne. Set down, set down your honourable load, If honour may be shrouded in a hearse, Glo. Oui, par saint Paul ! voilà en effet de fâcheuses nouvelles. Il a observé long-temps un régime funeste qui a trop épuisé sa royale personne : c'est triste à penser. Mais quoi! garde-t-il le lit? Hast. Oui. - Glo.-Rendez-vous près de lui: je vous y suivrai. (Hastings sort.) Il ne peut pas vivre, je l'espère: mais il ne doit pas mourir avant que George soit parti en poste pour le ciel. Je vais le trouver pour exciter encore plus sa haine contre Clarence, par des mensonges bien armés d'arguments puissants; et, si je n'échoue pas dans mes graves projets, Clarence n'a pas un jour de plus à vivre. Cela fait que Dieu dispose du roi Edouard et me laisse le monde pour m'y démener librement! - Alors j'épouserai la plus jeune fille de Warwick: quoi! lorsa que j'ai tué son mari et son père !.... Le moyen le plus prompt de réparer mes torts envers elle, c'est de devenir moi-même son mari et son père: je le ferai, non pas tant par amour que dans un autre but secret que j'atteins en l'épousant.—Mais, me voilà encore courant au marché avant mon cheval. Clarence respire encore; Édouard vit et règne. Quand ils seront partis, je pourrai alors compter mes profits. On voit entrer le corps du Roi HENRI VI, porté dans un cercueil ouvert, avec des gentilshommes armés de hallebardes pour le garder, et Lady ANNE conduisant le deuil. Anne.-Déposez, déposez ici votre honorable fardeau. — Si toutefois l'honneur peut être enseveli dans un cercueil.-Laissez-moi, un moment, remplir un devoir funèbre en déplorant la mort prématurée du vertueux Lancastre. Image triste et glacée d'un saint roi! pâles cendres de la maison de Lancastre! |